Dans un entretien avec le site conservateur américain Daily Caller, Donald Trump a reconnu que l’influence du lobby pro-israélien sur le Congrès américain n’était plus ce qu’elle était. Une déclaration qui illustre le glissement de l’opinion publique américaine, notamment au sein de la base républicaine la plus jeune, vis-à-vis d’Israël.
53 % des adultes interrogés déclarent avoir une opinion défavorable d’Israël
Interrogé par la correspondante Reagan Reese dans le Bureau ovale, Donald Trump a observé que, pendant des décennies, le soutien à Israël au Congrès était « le plus puissant jamais vu ». Selon lui, « il y a vingt ans, personne ne pouvait critiquer Israël en politique. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas ».
Se référant à une enquête du Pew Research Center publiée en mars dernier, l’ancien président a rappelé que la perception négative d’Israël progressait dans l’opinion publique américaine : 53 % des adultes interrogés déclarent avoir une opinion défavorable d’Israël, contre 42 % en 2022. Chez les républicains de moins de 50 ans, cette tendance est encore plus marquée, avec la moitié exprimant désormais une opinion négative.
Trump a lié ce déclin de l’influence à l’émergence de nouvelles voix au Congrès, incarnées par des élus démocrates progressistes tels qu’Alexandria Ocasio-Cortez, qu’il qualifie de « fous », et à l’érosion de la solidarité automatique des républicains vis-à-vis de l’État hébreu.
« Israël ne gagne pas la bataille de l’opinion »
Trump a par ailleurs souligné que les attaques du 7 octobre avaient constitué « un jour horrible » et qu’Israël « devait terminer cette guerre ». Mais il a insisté sur un point central : si Israël « gagne militairement », il est en train de « perdre la guerre de l’opinion publique », en particulier sur le terrain des relations publiques.
Un constat qui rejoint les critiques croissantes formulées non seulement par des démocrates, mais aussi par certains alliés de Trump : la représentante républicaine Marjorie Taylor Greene a récemment accusé Israël de « génocide » à Gaza, tandis que Steve Bannon a remis en cause la fiabilité de Benjamin Netanyahou comme partenaire des États-Unis.
Le Daily Caller : un média conservateur au cœur de l’écosystème trumpiste
Créé en 2010 par l’animateur vedette Tucker Carlson et l’homme d’affaires Neil Patel, le Daily Caller s’est imposé comme un pilier du journalisme conservateur américain. Installé à Washington, le site s’adresse à une audience républicaine, souvent proche de la mouvance « America First », et se distingue par un ton volontiers provocateur.
Le média, qui se revendique comme un contrepoids à la presse mainstream, a bâti sa réputation sur des enquêtes à charge contre les démocrates, des positions marquées en faveur du libre marché et une défense assumée des thématiques populistes et nationalistes. Sous la présidence Trump, il a bénéficié d’un accès privilégié à la Maison Blanche, renforçant son rôle de relais idéologique pour la droite américaine.
En accordant un long entretien au Daily Caller dans le Bureau ovale, Donald Trump confirme l’importance de ce média dans son dispositif de communication et dans la mobilisation de sa base.
Retranscription de l’échange Trump – Daily Caller
REAGAN REESE : Un sondage Pew de mars a montré que 53 % des adultes américains interrogés ont aujourd’hui une opinion défavorable d’Israël, contre 42 % en 2022. Chez les républicains de moins de 50 ans, ils sont désormais 50 % à avoir une opinion défavorable, contre 35 % en 2022. Il existe donc un groupe croissant, notamment chez les jeunes républicains pro-MAGA et America First, qui se montrent sceptiques quant à notre soutien à Israël. En êtes-vous conscient ? Est-ce une inquiétude pour vous ?
TRUMP : Oui, j’en suis conscient. Israël est un pays incroyable. J’ai un très bon soutien d’Israël. Personne n’a fait plus que moi pour Israël, y compris face aux récentes attaques de l’Iran que nous avons totalement anéanties. Les médias disaient que ce n’était peut-être pas complet, mais c’était totalement, complètement terminé. Si vous remontez vingt ans en arrière, je peux vous dire qu’Israël avait le lobby le plus puissant au Congrès, plus fort que n’importe quelle entreprise, n’importe quel État. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est incroyable.
Il fut un temps où, si vous vouliez être politicien, vous ne pouviez pas dire un mot critique sur Israël. Aujourd’hui, vous avez AOC et d’autres fous, et cela a tout changé. Si vous remontez quinze ans, Israël était le lobby le plus fort que j’aie jamais vu. Ils avaient un contrôle total sur le Congrès. Et maintenant, ce n’est plus le cas. J’avoue que cela me surprend. Et les gens ont oublié le 7 octobre, un jour terrible. J’ai vu les images.
REESE : J’étais en Israël récemment, tout près de la guerre, on entendait les bombes tomber sur Gaza. Nous sommes allés sur les lieux du 7 octobre. C’était effrayant.
TRUMP : Oui, c’était vraiment terrible, n’est-ce pas ?
REESE : Oui.
TRUMP : Et vous avez des gens qui nient que cela se soit produit. Comme d’autres nient l’Holocauste. Israël doit en finir avec cette guerre. Mais elle leur cause du tort, c’est certain. Ils gagnent militairement, mais ils perdent la guerre de l’opinion publique. Israël était le lobby le plus puissant il y a quinze ans, et maintenant il est affaibli, surtout au Congrès.
Une séquence révélatrice
Les propos de Trump s’inscrivent dans une dynamique plus large : l’érosion progressive du consensus bipartisan autour du soutien inconditionnel à Israël.
Si la droite républicaine reste majoritairement pro-israélienne, une fracture générationnelle est désormais visible, notamment chez les électeurs et élus de moins de 50 ans.
En reconnaissant que le lobby israélien « n’a plus le contrôle du Congrès », Trump met en lumière une évolution politique majeure, qui pourrait remodeler la politique étrangère américaine au Moyen-Orient dans les années à venir.