La suspension « indéfinie » de Jimmy Kimmel Live! par ABC n’est plus un simple fait médiatique : c’est un épisode de politique dure. Selon Reuters, après les propos de Kimmel sur l’assassinat de l’activiste conservateur Charlie Kirk, Disney-ABC a retiré l’émission de l’antenne, tandis que le puissant groupe d’affiliées Nexstar annonçait qu’il la préempterait sur ses stations. Le président de la FCC, Brendan Carr, a publiquement pesé dans le dossier, accentuant la pression réglementaire.
Donald Trump a aussitôt capitalisé : sur Truth Social, il a salué la décision d’ABC et exhorté NBC à « faire de même » avec Jimmy Fallon et Seth Meyers. À ce stade, ABC n’a pas annoncé d’annulation, mais bien une mise à l’écart sans horizon de retour — un signal politique clair envoyé à tout le secteur.
Ce que révèle l’affaire Kimmel : la TV de « late-night » ne dicte plus l’agenda
Politiquement, l’épisode illustre la fragilité des late-shows face à trois forces : la pression politique directe, la dépendance aux réseaux d’affiliées et le déplacement de l’audience vers des formats plus libres. En 2025, le pouvoir d’entraînement politique s’est largement déplacé vers les podcasts : espace peu « gate-keeppé », réactif, et massivement consommé par des publics plus jeunes. Des données de Pew Research Center confirment la progression structurelle de l’écoute de podcasts et leur rôle croissant comme source d’info.
Qui façonne aujourd’hui la conversation politique côté audio ?
- Joe Rogan — The Joe Rogan Experience : N°1 aux classements d’audience d’Edison en 2025, avec une capacité singulière à installer des récits politiques au long cours.
- Ben Shapiro — The Ben Shapiro Show : dans le Top 25 d’Edison et dans le Top 10 mensuel de Podtrac en août 2025 ; forte puissance de mobilisation à droite.
- Megyn Kelly — The Megyn Kelly Show : progression marquée en 2025 et influence croissante sur la droite, au-delà du canal TV traditionnel.
- Tucker Carlson — The Tucker Carlson Show/Podcast : base d’audience très large sur X et via réseau propre et diffusion podcast, avec capacité d’« agenda-setting ».
- Côté progressiste, Pod Save America et The Daily du New York Times restent des poids lourds récurrents des classements, alimentant cadrage et éléments de langage du camp libéral.
Tendance de fond : le podcast d’actualité est devenu un genre majeur (après la comédie) ; près d’un tiers des auditeurs de podcasts ont écouté des contenus news le mois dernier — un basculement du « prime-time » télé vers le « drive-time » à la demande.
Quelle lecture politique de ce bouleversement trumpiste ?
- Arme de pression : l’« éviction » de Kimmel valide l’efficacité d’une stratégie politico-réglementaire visant les animateurs perçus comme hostiles — et envoie un message dissuasif aux autres late-shows.
- Déplacement du pouvoir médiatique : alors que Trump somme NBC de se séparer de Fallon et Meyers, l’influence réelle migre vers les podcasteurs capables de mobiliser des audiences affinitaires, jeunes et hyper-engagées.
- Polarisation renforcée : la granularité des podcasts (niches idéologiques) amplifie la segmentation du débat public — avec, à la clé, une capacité de mise à l’agenda que les late-shows peinent désormais à égaler.
À retenir : l’affaire Kimmel marque moins la victoire d’un camp qu’un changement d’ère. La TV de fin de soirée perd son magistère culturel ; l’« audio à la demande » — Rogan, Shapiro, Kelly, Carlson, Pod Save America, The Daily — capte l’attention politique et fixe de plus en plus les lignes du débat. Dans ce paysage, la pression politique institutionnelle sur les chaînes coexiste avec une concurrence d’influence, plus diffuse, où les podcasteurs tiennent désormais le haut du pavé.