À quelques jours d’un vote symbolique attendu à l’Assemblée générale des Nations unies, Tokyo a choisi de ne pas reconnaître l’État palestinien, malgré une tendance croissante parmi les alliés traditionnels des États-Unis à franchir ce pas diplomatique.
Un alignement sur Washington
Selon le quotidien Asahi Shimbun, la décision japonaise est intervenue après que les États-Unis ont directement fait part de leur opposition à Tokyo. Le gouvernement du Premier ministre Shigeru Ishiba craindrait qu’un geste en faveur de la Palestine ne dégrade encore davantage une relation bilatérale déjà sous tension sur les volets sécuritaires et commerciaux.
Cette position tranche avec celle de pays alliés tels que le Royaume-Uni, l’Australie, la France ou le Canada, qui ont annoncé qu’ils voteront pour la reconnaissance de la Palestine lors du sommet onusien.
Le Japon a longtemps soutenu la solution à deux États, appelant à la coexistence pacifique entre Israël et la Palestine. Toutefois, en renonçant à reconnaître formellement la Palestine, Tokyo donne la priorité à sa relation avec Washington, plutôt qu’à la cohérence de son discours diplomatique.
Le ministre des Affaires étrangères, Takeshi Iwaya, a pourtant condamné la nouvelle offensive israélienne visant à prendre le contrôle total de Gaza, avertissant qu’elle aggravait une crise humanitaire « déjà dramatique » et sapait « les fondements mêmes d’une solution à deux États ».
Les critiques d’experts japonais
Pour plusieurs analystes, la décision est jugée « embarrassante ». Un conseiller gouvernemental a déclaré qu’il s’agissait « presque certainement d’un geste envers les États-Unis », même si Tokyo aurait probablement pris la même décision par crainte « d’irriter Trump ».
Robert Dujarric, de l’Institute of Contemporary Asian Studies, souligne que le calcul japonais est pragmatique : « Dans cette affaire, la seule nation qui compte pour le Japon est les États-Unis. Reconnaître la Palestine n’aurait eu aucun impact concret sur le terrain, mais risquait d’ennuyer Trump. »
Si 150 pays reconnaissent déjà la Palestine, le choix japonais fragilise son image de puissance indépendante, notamment face à ses alliés occidentaux qui ont pris leurs distances avec Washington sur ce dossier. Pour certains observateurs, cela place Tokyo dans une « position faible », révélant les limites de sa marge de manœuvre diplomatique lorsqu’elle doit arbitrer entre principes affichés et intérêts stratégiques.