Après plus d’une décennie loin des plateaux télévisés de son pays natal, l’animateur et humoriste égyptien Bassem Youssef signe un retour remarqué sur la scène médiatique en Égypte. La chaîne ON a annoncé sa participation à l’émission « Kalima Akhira » (La Dernière Parole), présentée par le journaliste Ahmed Salem, dans une séquence hebdomadaire consacrée à des sujets d’actualité majeurs.
La collaboration prendra la forme de quatre épisodes consécutifs, diffusés sur un mois, à raison d’un par semaine. La première émission sera dédiée à la question palestinienne, symbole de l’engagement de Youssef pour les causes sensibles et universelles. Certaines séquences seront enregistrées hors du studio, afin de rompre avec la routine télévisuelle classique et d’instaurer une interaction plus directe avec le public.
Bassem Youssef, qui avait quitté l’Égypte en 2014 après l’arrêt brutal de son émission culte « Al-Barnameg ? », partagera également des aspects personnels de sa vie en Occident, ainsi que des anecdotes inédites des coulisses de sa carrière internationale. Ce retour intervient après une polémique née de sa participation à un programme américain de divertissement. L’animateur avait tenu à préciser qu’il ne s’agissait pas pour lui d’un choix d’adhésion au contenu, mais d’une volonté de démonter la propagande israélienne relayée par certaines plateformes mondiales.
Du bloc opératoire à la satire politique
Né en 1974 et diplômé de médecine à l’Université du Caire en 1998, Youssef a exercé comme chirurgien cardiaque durant plus de treize ans avant de se tourner vers les médias. Son aventure a débuté en 2011 sur YouTube avec « The B+ Show », qui avait rapidement conquis des millions d’internautes. Quelques mois plus tard, il s’associe avec ON TV pour adapter son concept au petit écran, puis rejoint les chaînes CBC et MBC Masr. Son émission, enregistrée devant un public au théâtre Radio du centre du Caire, a marqué l’histoire télévisuelle arabe jusqu’à sa suspension définitive en 2014.
Comparé à Jon Stewart aux États-Unis, Bassem Youssef s’est imposé comme une voix critique et audacieuse, mêlant humour corrosif et analyse politique. Installé depuis aux États-Unis, il s’est produit sur scène en stand-up et a multiplié les interventions dans des médias internationaux, sans jamais perdre son statut de référence dans le monde arabe.
Ce retour de Bassem Youssef sur les écrans égyptiens, après dix années d’éloignement, ne peut être lu comme un simple come-back médiatique. En ouvrant ses plateaux à une figure devenue l’un des critiques les plus virulents de Benyamin Netanyahu – dont les interventions sur son compte X sont suivies et relayées par une opinion publique internationale attentive – le pouvoir d’Abdel Fattah Al-Sissi envoie un signal.
En lâchant du lest, Al-Sissi autorise l’expression d’une voix acerbe face à Israël, dans un contexte régional chargé, où chaque geste de communication a une portée diplomatique. Ce choix illustre à la fois la soif de satire et de vérité d’un public arabe en quête de parole libre, et le calcul géostratégique d’un régime qui ajuste son image et ses alliances à l’heure des tensions au Proche-Orient.