Quelques semaines après que des frappes israéliennes visaient le Qatar, une image symbolique a fait le tour des rédactions : Ron Dermer, ministre israélien des affaires stratégiques, et Cheikh Mohammed ben Abdulrahman Al Thani, Premier ministre et ministre des affaires étrangères du Qatar, s’enlaçant à Sharm el-Sheikh.
Les photographies, diffusées dans la soirée du mercredi 8 octobre, montrent des délégués israéliens, qataris et américains se félicitant et s’embrassant dans la station balnéaire égyptienne où se déroulaient depuis plusieurs jours les négociations indirectes entre Israël et le Hamas.
La scène « ressemblait à des célébrations ». Un accord venait d’être trouvé sur la première phase du plan de paix pour Gaza, sous médiation conjointe des États-Unis, de l’Égypte et du Qatar.
Peu après la diffusion des images, Donald Trump a confirmé la nouvelle sur sa plateforme Truth Social :
« Cela signifie que tous les otages seront libérés très bientôt et qu’Israël retirera ses troupes jusqu’à une ligne convenue, comme premières étapes vers une paix forte, durable et éternelle.»
L’annonce marque la première avancée diplomatique majeure depuis le déclenchement, deux ans plus tôt, du conflit à Gaza, qui a fait plus de 67 000 morts palestiniens selon les autorités locales. Les points convenus incluent un cessez-le-feu immédiat, la libération des otages israéliens, et le retrait partiel de l’armée israélienne vers le nord du territoire.
Quand la diplomatie du Qatar révèle son double visage
Le rapprochement entre Tel-Aviv et Doha révèle un dessous de carte longtemps occulté. L’émir du Qatar avait reconnu, pour la première fois après les attaques visant Doha, avoir accepté d’héberger la direction du Hamas à la demande expresse et répétée d’Israël et des États-Unis. Cet accord, scellé sous supervision américaine, s’était accompagné de l’ouverture d’un bureau du Mossad à Doha, présenté à l’époque comme un dispositif de coordination sécuritaire.
Alors que la chaîne Al Jazeera diffusait l’image d’un petit État arabe solidaire d’un peuple opprimé, il s’agissait en réalité d’un compromis stratégique entre l’émirat et le duo Washington-Tel-Aviv, visant à garantir la sécurité du Qatar face à une Arabie saoudite irritée et à des Émirats arabes unis de plus en plus hégémoniques.
La scène de Sharm el-Sheikh, où Ron Dermer et Cheikh Mohammed Al Thani se sont enlacés, a fait tomber les masques : les accusations de financement du Hamas par Doha relevaient davantage du théâtre diplomatique que d’une réalité stratégique. L’émirat n’a jamais agi en électron libre ; il a toujours été un pivot utile pour Israël et Washington dans la gestion du dossier gazaoui.
Ce retournement spectaculaire éclaire d’un jour nouveau la tragédie de Gaza, où la confusion entretenue par la communication politique et médiatique a nourri des perceptions erronées et des indignations sélectives dans le monde arabe. Pendant que la région vibrait au rythme de la propagande, les équilibres se redessinaient ailleurs, dans les salons feutrés de Sharm el-Sheikh.
Les détails de la première phase de l’accord
Le porte-parole du ministère des affaires étrangères du Qatar, Majed Al Ansari, a annoncé mercredi soir qu’un accord avait été trouvé sur toutes les dispositions et mécanismes d’application de la première phase du cessez-le-feu à Gaza, qui doit conduire à la fin de la guerre, à la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens, ainsi qu’à l’entrée de l’aide humanitaire.
Il a précisé que « les détails seront annoncés ultérieurement ».
Du côté israélien, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a publié un bref communiqué :
« Avec l’aide de Dieu, nous les ramènerons tous à la maison », faisant référence aux otages encore retenus dans la bande de Gaza, sans toutefois confirmer explicitement la signature de l’accord.
Début octobre, Donald Trump avait présenté un plan de paix en vingt points visant à mettre fin à la guerre et à obtenir la libération des derniers otages. Israël estime qu’environ vingt otages sont encore en vie à Gaza, et recherche les dépouilles d’une vingtaine d’autres.
Le projet prévoit un échange de 250 prisonniers palestiniens condamnés à perpétuité et de 1 700 Gazaouis détenus par Israël depuis le début du conflit, contre la libération de tous les otages israéliens. Pour chaque dépouille d’otage restituée, Israël s’engage à remettre les corps de quinze prisonniers palestiniens.
Le rôle de Washington et la pression sur Tel-Aviv
Les pourparlers se sont tenus à Sharm el-Sheikh, avec la participation du nouvel envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, du conseiller et gendre du président américain, Jared Kushner, ainsi que de Ron Dermer pour Israël et du Premier ministre du Qatar.
Vendredi dernier, Donald Trump avait fixé un ultimatum à Hamas, menaçant de « tuer davantage de combattants » si le mouvement ne signait pas d’accord avant le dimanche soir. En réponse, le Hamas avait accepté le principe de libérer tous les otages, vivants et morts, tout en demandant à renégocier certaines modalités.
Dans la foulée, la Maison-Blanche a confirmé que Trump et Netanyahu étaient convenus de travailler conjointement à la mise en œuvre du plan et à la fin de la guerre.
Les frappes israéliennes du 9 septembre contre des représentants du Hamas au Qatar avaient provoqué la colère de Doha et suscité des tensions à Washington. Cet épisode aurait convaincu Trump d’exercer une pression directe sur Netanyahu pour qu’il accepte un cadre de désescalade à Gaza.