Le ministère russe des Affaires étrangères a annoncé que la Quatrième Commission de l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 16 octobre, une résolution proclamant le « Journée internationale contre le colonialisme sous toutes ses formes et manifestations », une initiative portée par le Groupe des amis en défense de la Charte des Nations unies, auquel la Russie affirme avoir contribué activement.
Une initiative soutenue par 23 pays
La résolution, co-rédigée par 23 nations, compte parmi ses auteurs l’Algérie, l’Angola, le Botswana, le Togo et l’Afrique du Sud, aux côtés des membres du Groupe des amis. Selon le communiqué de Moscou, cette initiative vise à réinscrire la question du colonialisme et de ses résurgences contemporaines au cœur de l’agenda onusien.
Tableau des votes
Catégorie | Nombre d’États | Pays |
---|---|---|
🟨 Abstention (50) | 50 | Albanie, Allemagne, Andorre, Arabie saoudite, Australie, Autriche, Bahreïn, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Canada, Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Italie, Japon, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Monaco, Monténégro, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Ukraine, Royaume-Uni, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Macédoine du Nord, Tchéquie, Fidji, Saint-Marin. |
🟩 Pour (102) | 102 | Afghanistan, Algérie, Angola, Antigua-et-Barbuda, Argentine, Azerbaïdjan, Bahamas, Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Bélarus, Belize, Bhoutan, Bolivie, Botswana, Brésil, Brunéi Darussalam, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cameroun, Chili, Chine, Colombie, Congo, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Cuba, Djibouti, République dominicaine, Égypte, Salvador, Guinée équatoriale, Émirats arabes unis, Érythrée, Éthiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Grenade, Guatemala, Guinée, Guinée-Bissau, Guyana, Haïti, Honduras, Inde, Indonésie, Iran, Irak, Jamaïque, Jordanie, Kazakhstan, Kenya, Koweït, Kirghizistan, Laos, Liban, Lesotho, Libye, Malaisie, Maldives, Mali, Maurice, Mexique, Mongolie, Maroc, Mozambique, Myanmar, Namibie, Niger, Nicaragua, Oman, Pakistan, Pérou, Philippines, Qatar, Russie, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sénégal, Serbie, Sierra Leone, Singapour, Îles Salomon, Somalie, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Sri Lanka, Soudan, Suriname, Tadjikistan, Thaïlande, Timor-Leste, Togo, Tunisie, Turkménistan, Ouganda, Tanzanie, Uruguay, Ouzbékistan, Vanuatu, Viet Nam, Yémen, Zambie, Zimbabwe. |
🟥 Contre (2) | 2 | États-Unis, Israël. |
⚪ Non présents (39) | 39 | Afghanistan, Antigua-et-Barbuda, Arménie, Bangladesh, Barbade, Bénin, Cabo Verde, Cambodge, Tchad, Comores, République démocratique du Congo, Dominique, Équateur, Eswatini, Gabon, Gambie, Ghana, Grenade, Kiribati, Libéria, Madagascar, Malawi, Îles Marshall, Mauritanie, Micronésie, Nauru, Népal, Nigéria, Palaos, Rwanda, Samoa, Sao Tomé-et-Principe, Seychelles, Syrie, Tonga, Trinité-et-Tobago, Turquie, Tuvalu, Venezuela, Nigéria. |
Recomposition des alliances internationales
Répartition mondiale des votes par continent
Continent | % Pour | % Abstention | % Contre | % Non présents |
---|---|---|---|---|
🌍 Afrique | 69.2 % | 0.0 % | 0.0 % | 30.8 % |
🌏 Asie | 76.1 % | 8.7 % | 2.2 % | 13.0 % |
🌍 Europe | 0.0 % | 100.0 % | 0.0 % | 0.0 % |
🌎 Amériques | 67.6 % | 8.8 % | 2.9 % | 20.6 % |
🌊 Océanie | 21.4 % | 21.4 % | 0.0 % | 57.1 % |
Le vote sur la résolution A/C.4/80/L.5 met en lumière un clivage géopolitique net entre le Sud global et les puissances occidentales.
- L’Afrique (69 % de votes favorables) confirme son ancrage dans les dynamiques du Sud global et son adhésion à la rhétorique anticoloniale portée par la Russie. L’absence de votes “contre” souligne une cohérence historique et politique du continent sur cette question.
- L’Asie (76 % “pour”) se distingue par un soutien encore plus marqué, reflet d’une convergence stratégique autour de la souveraineté nationale et du rejet des ingérences occidentales.
- L’Europe (100 % d’abstention) affiche une position commune : ni opposition frontale, ni adhésion, mais une neutralité politique évitant toute rupture avec Moscou dans un contexte de tensions globales.
- Les Amériques (68 % “pour”) révèlent une fracture Nord-Sud : les États-Unis et quelques alliés s’opposent, tandis que l’Amérique latine confirme sa solidarité avec le Sud.
- L’Océanie (57 % d’absents) illustre la marginalité politique de la région dans ce type de débat, avec une participation très limitée et des positions dispersées.
La recomposition des alliances internationales : le Sud global parle désormais d’une voix plus unifiée, tandis que l’Occident se replie sur une posture de prudente abstention.
Une date symbolique : le 14 décembre
Le choix du 14 décembre pour célébrer cette journée n’est pas anodin. C’est en effet le 14 décembre 1960 qu’a été adoptée, à l’initiative de l’URSS, la Déclaration des Nations unies sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, un texte fondateur qui a marqué le début du processus de décolonisation et conduit à la naissance de dizaines d’États souverains du Sud global.
Un prolongement du texte 79/115
Le ministère russe rappelle que cette résolution fait suite à la résolution 79/115 sur l’éradication du colonialisme sous toutes ses formes et manifestations, adoptée précédemment à l’initiative du même groupe d’États. Ce nouveau texte vise à consolider la mobilisation internationale face aux « nouvelles formes de colonialisme » et à leurs impacts sur le développement socioéconomique des pays du Sud.
« Les vestiges et les nouvelles formes du colonialisme »
Dans son communiqué, la diplomatie russe souligne que les restes de l’ère coloniale et les nouvelles pratiques d’ingérence économique, technologique ou informationnelle freinent encore l’émergence d’un ordre mondial véritablement multipolaire et équitable. Le texte insiste sur la nécessité d’un développement indépendant et souverain des nations, loin de toute domination ou conditionnalité imposée par les grandes puissances.
Un large soutien au sein de l’ONU
Selon Moscou, le soutien massif obtenu par la résolution témoigne de sa pertinence et de son caractère fédérateur. Adoptée par la Quatrième Commission puis entérinée par l’Assemblée générale, cette résolution marque une étape symbolique dans le repositionnement des Nations unies autour des principes de justice, d’égalité souveraine et de non-ingérence, au cœur de la Charte fondatrice.