Des documents gouvernementaux britanniques récemment déclassifiés montrent que le roi Abdallah II de Jordanie s’était intéressé, à la veille de l’invasion de l’Irak en 2003, à l’hypothèse d’un retour d’influence hachémite dans le pays après la chute du régime de Saddam Hussein. Ces éléments sont rapportés par Middle East Online, qui cite des archives issues du bureau du Premier ministre britannique et publiées par les Archives nationales du Royaume-Uni.
Selon des documents du bureau du Premier ministre britannique, conservés aux Archives nationales du Royaume-Uni, l’idée d’offrir un exil à Saddam Hussein afin d’éviter une intervention militaire est venue du roi Abdallah II de Jordanie. Le souverain souhaitait toutefois que cette proposition émane des États-Unis et du Royaume-Uni, et non de la Jordanie ou d’autres États arabes.
Lors d’une rencontre avec le Premier ministre britannique Tony Blair le 25 février 2003, le roi Abdallah II a cherché à « clarifier toute confusion » autour de son initiative. D’après les notes de la réunion, il a estimé qu’une telle offre permettrait de montrer que Washington et Londres voulaient « donner une chance à la paix », tout en augmentant les probabilités de renversement de Saddam Hussein et en isolant diplomatiquement la Russie, la France et l’Allemagne, opposées à une action militaire sans résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.
Le roi considérait cette option comme une « solution de repli » si aucune résolution n’était adoptée par le Conseil de sécurité. Il a indiqué que le refus de Saddam Hussein exposerait ce dernier comme étant « déterminé à entraîner tout le monde dans sa chute ». Il a également affirmé que, si Saddam quittait le pouvoir ou était renversé, les forces alliées pourraient entrer en Irak « sans qu’un coup de feu ne soit tiré ».
Tony Blair a accueilli favorablement cette suggestion, indiquant avoir informé le président américain George W. Bush de la nécessité de démontrer que toutes les options avaient été explorées pour éviter la guerre, tout en exprimant des doutes quant à l’acceptation de l’offre par Saddam Hussein.
Les documents indiquent également que le roi Abdallah II a proposé que les États-Unis, le Royaume-Uni et la Jordanie travaillent en amont sur les modalités de l’exil, notamment les personnes concernées, les conditions d’accueil et les restrictions éventuelles. Il a fait part de son intention d’aborder le sujet avec le directeur de la CIA, George Tenet, et avec le responsable américain des affaires du Proche-Orient, William Burns.




Les autorités britanniques ont qualifié de « déroutante » l’insistance du roi à vouloir que l’initiative provienne des puissances occidentales. Elles ont relevé que des démarches similaires avaient été évoquées par l’Arabie saoudite et l’Égypte, mais que ces initiatives n’avaient pas abouti.
Les documents révèlent par ailleurs que le roi Abdallah II nourrissait l’espoir d’un retour de l’influence hachémite en Irak après la chute de Saddam Hussein. Des conseillers britanniques ont averti Tony Blair que le chef du renseignement jordanien de l’époque, Saad Khair, encourageait cette perspective, notamment en évoquant un rôle potentiel pour le prince Hassan, oncle du roi.
Les responsables américains ont toutefois fait savoir qu’ils n’avaient « aucun intérêt » pour un tel scénario et que le prince Hassan ne figurait pas dans leurs plans. Les conseillers britanniques ont recommandé à Tony Blair de décourager fermement toute idée de restauration hachémite en Irak, estimant qu’une telle option pourrait déstabiliser la Jordanie et soulignant que le choix des dirigeants irakiens devait relever exclusivement du peuple irakien.
Après le début de l’invasion, les responsables britanniques ont noté le soutien privé du roi Abdallah II à la coalition militaire, malgré des prises de position publiques critiques destinées à répondre aux pressions de l’opinion intérieure jordanienne.




