Ahmed Charai : la néo-opposition numérique bafoue les intérêts supérieurs de la Nation

Une nouvelle forme d’opposition s’est installée dans le paysage numérique marocain qui transcende les codes des mouvements de protestation politique et sociale qu’a connu le pays depuis son indépendance. La nature du véhicule de l’expression de l’opposition, à savoir les réseaux sociaux, complique l’analyse de ce phénomène et favorise les dépassements en terme de valeurs, d’éthique et des coutumes de la société marocaine. Le diktat de l’audience pousse les créateurs de contenu (texte, images ou vidéos) à aller encore plus loin et encore plus bas. «Même dans l’adversité absolue, l’opposition politique post indépendance, intense et parfois violente, était attachée aux intérêts supérieurs de la Nation» souligne Ahmed Charai dans un édito paru sur L’Observateur du Maroc et d’Afrique. «Ni Abderrahim Bouabid, ni Ali Yata, ni Bensaïd Aït Idder, unanimes sur la marocanité du Sahara, n’ont abandonné pour autant la lutte pour la démocratie et les droits de l’homme», rappelle-t-il. Et d’ajouter : «Aujourd’hui, les réseaux sociaux nous offrent un spectacle affligeant. Les néo-opposants sont désormais d’un autre genre. Il y a un flot d’inepties, de contre-vérités, d’ignorance qui circule et qui est piteux». A qui incombe la responsabilité ? M. Charai pointe du doigt «l’inertie des Oulemas, l’inconscience des politiques et le silence des intellectuels».

Quand est-ce que s’arrête l’opposition constructive et quand est-ce que commence l’adversité destructive ? Quand est est-ce que un Youtubeur passe du statut de créateur de contenu, à activiste puis à opposant politique rémunéré par Adsense ? Un Rubicon qu’on peut aisément franchir depuis l’avènement des réseaux sociaux.

Dans un édito publié sur L’Observateur du Maroc et d’Afrique en date du 07 mai 2021 au titre : «Opposition low-cost», Ahmed Charai analyse les dérives de cette nouvelle opposition numérique.

«Le Maroc est un pays où la vie politique post indépendance a été intense et parfois violente. Mais nous avions une opposition qui avait un projet sociétal, politique», écrit M. Charai.

Même dans l’adversité absolue, cette opposition était attachée aux intérêts supérieurs de la Nation. La question du Sahara qui a enclenché une unanimité qui a permis la récupération des territoires du Sud est le fruit de cette osmose patriotique. Mais ni Abderrahim Bouabid, ni Ali Yata, ni Bensaïd Aït Idder n’ont abandonné la lutte pour la démocratie et les droits de l’homme, atteste M. Charai.

Aujourd’hui, poursuit-il, les réseaux sociaux, mais pas uniquement, nous offrent un spectacle affligeant. Les opposants d’aujourd’hui sont désormais d’un autre genre. Il y a un flot d’inepties, de contre-vérités, d’ignorance qui circule et qui est affligeant.

L’autre problématique devenue persistante est celle relative aux accointances que peuvent développer ces néo-opposants avec des puissances étrangères. Dans le vacarme des attaques et des contrattaques, des accusations qui fusent de part et d’autre, il est devenu difficile de démêler le vrai du faux, le patriote du traitre.

«Certains cherchent l’appui de l’étranger, du statut de réfugié, se mettant au service de volontés d’influence externe. C’est juste désolant. Ces épiphénomènes cachent un environnement plus important, celui de l’intolérance, y compris chez les pseudo-opposants» s’indigne Ahmed Charai.

Terrorisme intellectuel

La néo-opposition numérique n’est pas seulement des prises de positions politiques contre les institutions du pays mais surtout un référentiel sémantique violent, et un étiquetage destructeur.

«Cela pourrit le débat public» se désole M. Charai. «Des gens craignent de prendre la parole et de se voir livrés à cette vindicte fascisante. Du coup, les débats fondamentaux disparaissent, qu’ils soient politiques, sociaux, ou sociétaux, par peur des campagnes haineuses, construites autour du vide» alerte-t-il.

«Le drame est endogène. Dès qu’un Alem s’émancipe de leurs théories ignares, il est l’objet de fatwas takfiristes; dès qu’un journaliste défend des positions rationnelles, il est accusé de travailler pour les services secrets, « l’horrible » Makhzen. Les partis politiques ne sont pas mieux traités, même dans leur diversité.» affirme l’éditorialiste.

«C’est un véritable terrorisme intellectuel qui agit sur la toile. Mais il n’aurait aucune chance, s’il y avait une réaction pour défendre le débat public, les vrais idéaux démocratiques», soutient-il.

Responsabilité historique des oulémas, partis politiques et intellectuels

«Les oulémas, y compris ceux grassement payés par le contribuable, ne réagissent qu’à la demande. Les partis politiques préfèrent ignorer ces phénomènes qu’ils considèrent marginaux. Quant aux intellectuels, ils sont aux abonnés absents» fustige l’analyste.

M. Charai insiste sur l’obligation de défendre de la liberté d’expression : « Il y a bien évidemment des youtubeurs et des youtubeuses qui sont attachés à leur pays, dont on peut ne pas toujours partager la pertinence des points de vue, mais dont il faut absolument défendre la liberté d’expression».

«Les élites marocaines ont le choix entre défendre un projet sociétal, bâti autour de consensus nécessaires et de divergences clairement identifiées, ou se soumettre aux diktats d’incultes qui font du bruit sur la toile». a-t-il conclut.

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