En clôturant son sommet ordinaire à Addis Abeba, la Conférence des chefs d’Etat a, comme il est toujours question, publié une déclaration finale. Celle-ci comporte un paragraphe important concernant le Sahara marocain et le conflit qui l’entoure. Beaucoup de fuites et de rumeurs se sont ensuite enchaînées pour faire parler un texte qui n’a pas encore été officiellement publié par les instances de l’Union africaine mais dont tout le monde connaissait plus ou moins la teneur.
Malgré tous les contacts entrepris au niveau du ministère marocain des Affaires étrangères, personne n’était en mesure de confirmer ou d’infirmer le contenu du communiqué ou d’en faire disposer une copie aux parties intéressées. Par ce mutisme incompréhensible de la part des services de Nasser Bourita, la voie était dégagée pour Alger et le Polisario afin d’interpréter la déclaration finale du 30ème sommet africain comme bon il leur semblait.
Au lieu de laisser l’opinion publique dans le black-out total, la simple publication par le ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale du contenu de la déclaration finale de la Conférence ordinaire des chefs d’Etat africains aurait calmé les esprits et rassuré les marocains. Malheureusement, Bourita et ses équipes ont opté pour des justifications qui n’ont convaincu personne. Il s’agit quand-même de notre première cause nationale et les citoyens ont droit à la vérité. Tout le monde s’attendait au déploiement d’un argumentaire clair et précis de la part de nos services diplomatiques en vue de désarticuler l’amas de mensonges et autres contre-vérités des adversaires du Maroc, sauf que nous avons eu droit à des approximations dans le cadre d’une stratégie défensive jamais offensive.
Durant la conférence de presse donnée hier par Nasser Bourita à Addis Abeba, le chef de la diplomatie marocaine a parlé de tout sauf des points les plus cruciaux qui concernent et inquiètent les marocains. A titre d'exemple, une des moutures fuitées de la déclaration finale, parle de «relancer le processus de négociation entre le Maroc et la RASD» et non pas le Polisario. Que répond Bourita à ce point ? La Conférence des chefs d’Etat africains a aussi appelé les «deux Etats» à engager sans conditions préalables des «pourparlers sérieux et directs pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination du peuple du Sahara occidental.» Motus et bouche cousue de Nasser Bourita. Par ailleurs, alors que Rabat ne reconnaît aucun rôle à l’Union africaine dans l’affaire du Sahara marocain, le communiqué final appelle les deux parties à coopérer pleinement avec «l’envoyé spécial de l’UA pour le Sahara occidental», l’ancien président du Mozambique Joaquim Chissano. Bien sûr en plus de l’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, l’allemand Horst Köhler. Plus grave, la Conférence demande au Maroc de «permettre à la Mission d’observation de l’UA de retourner à Laâyoune (…) pour permettre un suivi indépendants des droits de l’homme dans le territoire» ! En plus de violer la Charte des Nations unies, cette disposition est une grave atteinte à la souveraineté du Maroc et une immixtion inacceptable dans ses affaires internes. Nasser Bourita n’a pas jugé bon de crier au scandale en choisissant de faire profil bas.
Certes le président de la Commission africaine, Moussa Faki Mahamat, a rappelé, oralement, donc sans aucune valeur juridique probante, que la décision 653 adoptée en juillet 2017 était toujours en vigueur, mais à aucun moment il n’a évoqué une quelconque caducité ou nullité de la déclaration finale du 30ème sommet laquelle, il faut le reconnaître, est en défaveur du Maroc. Le texte final a été voté en bonne et due forme, il a donc valeur de droit. Surtout que la Conférence des chefs d’Etat est l’instance suprême et souveraine de l’Union africaine alors que la Commission n’en est qu’un bras exécutif.
Un bémol en revanche : L’adhésion du Maroc au conseil paix et sécurité de l’organisation panafricaine, belle tribune politique et mécanisme militaire intéressant pour déployer notre stratégie africaine et notre vision pour l'avenir du continent.
La balle est aujourd’hui dans le camp du Parlement et ses deux Chambres qui sont tenus de convoquer Nasser Bourita pour qu’il explique les tenants et aboutissants de ses échecs à répétition sur plusieurs théâtres d’opération notre diplomatie, les plus stratégiques : Phosphate, CEDEAO, Pêche et Sahara.