Mark Zuckerberg, patron du réseau social Facebook, se trouve dans de beaux draps depuis les révélations le weekend de la presse britannique et américaine d’informations sur le détournement de données personnelles de 50 millions d’abonnés par une firme britannique Cambridge Analytica, dont l’actionnaire et vice-président n’est autre que Stephen Bannon, l’ex-conseiller de Trump. La société Cambridge Analytica se veut spécialisée dans la communication et les campagnes électorales à travers le monde. Les données collectées ont été communiquées sans le consentement des utilisateurs au service de la campagne présidentielle américaine de Donald Trump afin de peser sur le choix des électeurs américains.
Cambridge Analytica Papers
Tout est parti grace à un lanceur d'alerte, Christopher Wylie, qui a mis à la disposition des journalistes d'investigations du The Observer et du Guardian, des documents confidentiels provenant de Cambridge Analytica, une société britannique spécialisée dans le data mining (analyse des données). L'enquête a permis de lever le voile sur les pratiques illicites de collecte de données principalement celles de Facebook, qui ont permis, entre autres, de jouer un un rôle clé dans la victoire de Donald Trump dans les élections présidentielles.
Cambridge Analytica fait actuellement l'objet d'une enquête des deux côtés de l'Atlantique. Au Royaume-Uni, c'est la Commission électorale, d'une part, qui enquête sur le rôle éventuel de la firme dans le référendum européen et c'est le Bureau du Commissaire à l'information, d'autre part, qui s’intéresse de près aux analyses de données pour des fins politiques dans le royaume. Quant aux Etats-Unis, c'est le procureur spécial, Robert Mueller, en charge de l'enquête sur les liens éventuels entre des membres de l'équipe de campagne de Donald Trump et les responsables des piratages informatiques, imputés à la Russie, qui mène l'enquête.
Et c'est dans la soirée du samedi 17 mars 2018, que les deux quotidiens britanniques ont mis en ligne les résultats de leur enquête. Des révélations qui se sont propagées comme un feu de paille, provoquant un émoi considérable des utilisateurs de Facebook. Plusieurs grands noms de monde du digital ont même commencé à supprimer leurs information personnelles, photos et messages privées. D'autres n'ont pas hésité à supprimer définitivement leurs comptes.
Cambridge Analytica la firme qui a su exploiter lucrativement les likes pour de la transformation politique
Tout a commencé quand Steve Bannon a pris contact avec Alexander Nix, Président de SCL Group, pour mettre en place une stratégie d'influence sur les réseaux sociaux pour les élections présidentielles américaines. Nix crée alors une coquille vide qui l'a dénommé Cambridge Analytica, en l'a logeant à l'université de Cambridge. Il réussi par la suite, selon les révélations de Christopher Wylie, à convaincre le milliardaire Robert Mercer à y injecter 15 millions de dollars.
Alexander Nix et Christopher Wylie vont prendre par la suite contact avec un certain Aleksandr Kogan, chercheur à l'université de Cambridge. Ce dernier, un illustre universitaire, avait développé une application appelée «ThisYourDigitalLife» (C'est Votre Vie Digitale) qui comportait un quiz de personnalité.
Cette application utilisait un algorithme puissant qui permettait de siphonner toutes les données personnelles de Facebook, même les plus privées comme celles de messenger. L'appli stockait, par exemple, des informations relatives à l'orientation sexuelle, la race, le sexe, et même l'intelligence et les traumatismes d'enfance, des utilisateurs de l'application mais surtout de tous leurs amis ou leurs fans.
Aleksandr Kogan a fini, par le truchement de sa société Global Science Research, a passé un deal avec Cambridge Analytica à coup de millions de dollars pour permettre à cette dernière de constituer sa base de données sur l’électorat américain. Kogan a appâté des centaines de milliers d’utilisateurs de Facebook, inscrits sur les listes électorales, en les payant entre 2 et 5 dollars pour télécharger son application, s’identifier via Facebook et répondre à un quiz.
Cambridge Analytica whistleblower: 'We spent $1m harvesting millions of Facebook profiles' – video https://t.co/naNPY24pGS
— The Guardian (@guardian) March 17, 2018
D'un premier essai de 1 000 utilisateurs, appelé «semoirs», les chercheurs ont obtenu 160 000 profils, soit environ 160 dossiers par compte Facebook. L’ampleur de la collecte par l’algorithme utilisé est telle qu’on avance le chiffre de 50 millions d'électeurs américains et utilisateurs du réseau social incriminé.
Ces données collectées, permettaient par la suite, aux apprentis sorciers de Cambridge Analytica de les cibler par toute forme de contenu hautement personnalisée basée sur un algorithme de personnalité extrêmement puissant.
Dans un interview donné au Guardian à visage découvert, le lanceur d'alerte, Christopher Wylie, qui se déclare comme gay, vegan et spécialiste des réseaux sociaux, avance que Cambridge Analytica pouvait produire un contenu spécifique pour chaque cible.
" Pour changer de politique, il faut changer de culture, et pour changer de culture il faut changer la culture et les convictions individuelles. L'algorithme de Cambridge Analytica permettait de créer un contenu pour chaque électeur. On pouvait créer un site web, une image, une vidéo et poster ce contenu sur son fils d'actualité "
Cambridge Analytica : Sexe, chantage et politique
Pour sa part, la chaîne de télévision britannique Channel 4 diffuse depuis dimanche une enquête en trois volets, et la dernière ce mardi soir, en collaboration avec le quotidien The Observer, dédiée à Cambridge Analytica en s’attelant les services Chris Wylie, ancien directeur de recherche chez Cambridge Analytica, où il déballe tout. On y apprend que les patrons de cette société ont été filmés à leur insu reconnaissant avoir soudoyé des politiciens ou eu recours à des prostituées pour piéger ces derniers.
Facebook s’est défendu d’avoir autorisé le chercheur Kogan ou Cambridge Analytica à utiliser sa base de données à des fins commerciales ou politiques, mais la bourse de New York ne l’a pas entendu hier puisque ses actions ont été dépréciées de près de 7% soit une perte sèche et excusez du peu 48 milliards de dollars.
Ce mardi, se ra une journée de tous les dangers pour Mark Zuckergerg, la Federal Trade Commission des Etats-Unis a décidé de l’ouverture d’une enquête et le management de Facebook tiendront une réunion avec ses collaborateurs pour essayer de calmer les esprits et pour présenter la ligne de défense. Mark Zuckergerg, n'a prévu de voir ses salariés que le vendredi.
En attendant, ce dernier est convoqué aussi par le régulateur britannique chargé de la protection des données privées. Il doit se rendre à Londres en principe lundi prochain pour être entendu par une commission parlementaire. Le même régulateur a également réclamé l’autorisation de fouiller les bureaux de Cambridge Analytica.
Cette affaire qui n’a pas fini de livrer tous ses secrets, pose encore une fois la problématique des réseaux sociaux et la protection de la vie privée.