Guinée: investi pour un troisième mandat, Condé prône l’unité après une crise sanglante

Le président Alpha Condé a appelé mardi les Guinéens à «oublier le passé» et à se tourner vers un «avenir d'unité et d'espérance», après plus d'un an de contestation meurtrière, lors de son discours d'investiture pour un troisième mandat qualifié «d'imposture» par son principal adversaire.

AFP

Ancien opposant historique élu en 2010 et réélu en 2015, Alpha Condé a fait adopter en mars, lors d'un référendum boycotté par l'opposition, une nouvelle Constitution. Une nouvelle loi fondamentale remettant, selon ses partisans, son compteur présidentiel à zéro et lui permettant de se présenter au scrutin du 18 octobre dernier, alors qu'il avait déjà accompli les deux mandats autorisés.

La réforme constitutionnelle, puis la candidature d'Alpha Condé, ont donné lieu à des mois de manifestations durement réprimées et de violences qui ont fait des dizaines de morts civils d'octobre 2019 aux lendemains de l'élection.

M. Condé, proclamé vainqueur dès le premier tour par la Cour constitutionnelle le 7 novembre, a prêté serment à la mi-journée devant celle-ci et un parterre d'invités, dont 11 chef d'Etat africains, réunis dans un Palais Mohammed V de Conakry placé sous haute sécurité.

«Le changement de Constitution du 22 mars 2020 est une violation de la Constitution et du serment d'Alpha Condé, tout comme sa candidature au scrutin du 18 octobre qu'il a perdu», a réagi auprès de l'AFP son principal adversaire, Cellou Dalein Diallo, qui assure avoir remporté l'élection et qui ne cesse de dénoncer une fraude.

Rues vides dans Conakry

«Il ne dispose donc d'aucune légitimité et d'aucune base légale pour exercer un troisième mandat. Sa prestation de serment d'aujourd'hui n'est qu'une autre imposture que nous n'acceptons pas», a ajouté le chef de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG).

Les rues de Conakry sont restées vides tout au long de la journée, sans que l'on puisse dire si c'est parce que la journée avait été déclarée fériée par le pouvoir ou si la population a suivi le mot d'ordre de «boycott» lancé par le Front national pour la Défense de la Démocratie (FNDC), une coalition de partis, de syndicats et d'associations de la société civile qui a été le fer de lance de la mobilisation contre le troisième mandat d'Alpha Condé.

Un dispositif de sécurité très important, composé de policiers, gendarmes et militaires, avait en tout cas été déployé jusque dans la grande banlieue de Conakry, réputée acquise à l'opposition, a constaté un correspondant de l'AFP.

«J'exhorte chacun d'entre vous à oublier le passé qui divise au profit d'un avenir d'unité et d'espérance», a déclaré Alpha Condé lors de son discours d'investiture pour le «premier mandat de la Quatrième république», selon l'expression des autorités.

Affirmant sa «conviction que la Guinée se fera avec tous les Guinéens», il a estimé que le pays ouest-africain, pauvre malgré des ressources naturelles considérables, a «besoin d'un véritable sursaut national».

Gouverner autrement

«Mais chacun doit respecter la loi et bannir de ses propos et de ses actes la violence, afin que notre pays demeure une société de liberté et de responsabilité», a prévenu M. Condé, alors que la justice et la police ont lancé depuis le scrutin une vague d'arrestations contre ceux qu'elles disent soupçonner d'être impliqués dans les violences.

Alpha Condé a aussi affirmé sa volonté de «gouverner autrement». «Nous nous engageons à lutter avec fermeté contre la corruption, le copinage et le clientélisme», a-t-il promis.

«Cela veut dire travailler pour les couches les plus vulnérables. Les ministres et hauts fonctionnaires doivent être au service du peuple et non à leur service ou à celui de leur famille», a-t-il assuré.

Dans un communiqué, Amnesty International a dénoncé mardi les «homicides commis par des forces de défense et de sécurité dans des quartiers favorables à l'opposition après l'élection présidentielle», faisant état d'un bilan «d'au moins 16 personnes tuées par balle entre le 18 et le 24 octobre».

Le pouvoir guinéen accuse régulièrement les ONG internationales de partialité, leur reprochant de ne pas dénoncer les violences commises par les manifestants.

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