Si Gina Haspel et Kirstjen Nielsen sont aujourd’hui les véritables fers de lance du renseignement et de la sécurité aux États-Unis, la première à la tête de la CIA et la seconde comme patronne de la sécurité intérieure, elles n’en sont pas moins les véritables instigatrices de la politique extérieure de leur pays dans les domaines de leur compétence. Ces deux femmes, qui ont gravi les échelons de l’administration américaine par le seul biais de la méritocratie, valeur chère aux puristes américains, peuvent déployer leurs programmes à la tête de leurs départements respectifs sans craindre de blocage ou une quelconque influence de la part de la Maison Blanche, et ce en raison de spécificités juridiques et constitutionnelles qui sont l’apanage de la démocratie américaine. Dans un article intitulé «Les dames en fer», Ahmed Charai explique avec la plume de l’expert qui est la sienne, cette facette peu connue de la relation entre l’exécutif américain et la plus grande agence de renseignement du monde.
Certains dirigeants arabes s’étaient distingués, en aparté, par des discours sexistes contre Madeleine Albright, l’ancienne Secrétaire d’Etat ou encore contre Condoleezza Rice, discours qui ne sont pas à leur honneur. Cette fois, deux femmes ont été nommées à la tête de ce qui est le centre du pouvoir aux USA, le renseignement.
Kirstjen Nielsen a été nommée à la tête du DHS, la sécurité intérieure. C’est une administration qui a un effectif de deux cent mille employés. Elle a été créée après le 11 septembre pour regrouper plusieurs branches disparates de l’administration, cela va de la gestion des urgences, aux douanes, à la protection des frontières et à l’immigration. C’est un poste extrêmement important.
La CIA, au-delà des fantasmes, reste l’outil de renseignement extérieur le plus performant du monde et donc un outil essentiel pour la politique étrangère américaine. Gina Haspel est la première femme à être nommée à Langley.
Mais il ne s’agit pas là de discrimination positive. Gina Haspel a le service public chevillé au corps. Elle voulait intégrer West Point, la prestigieuse académie militaire, qui était, à l’époque fermée aux femmes. Elle travaille avec le 10ème groupe des forces spéciales, puis rejoint la CIA. Pendant 30 ans, elle a travaillé en 1ère ligne, avant de devenir directrice adjointe, puis directrice depuis peu. L’un de ses prédécesseurs, John Brenan, pourtant démocrate, a loué sa compétence et son intégrité, en défendant sa nomination.
Ce sont donc deux profils pointus, adaptés aux responsabilités qui sont désormais les leurs.
L’autre point à souligner, c’est que l’architecture institutionnelle aux USA est très particulière. Bien que nommés par le Président, les directeurs des agences n’obéissent à ses directives que dans le respect des lois et surtout de la mission des institutions qu’ils président. C’est une constante aux USA qui fait vivre, au-delà des discours, la démocratie.
Les deux femmes auront en charge deux combats essentiels dans le programme de Donald Trump. Gina Haspel aura la charge de la lutte anti- terroriste. Elle connait le dossier sur le bout des doigts. Du financement à l’embrigadement religieux, au recrutement. Ses notes influeront nécessairement sur la diplomatie, d’autant plus que Mike Pampeo, le Secrétaire d’Etat, est un ancien collègue, qui connait donc l’importance du renseignement. En définitive, ce ne sont pas les tweets du Président qui impacteront le travail de la CIA, mais l’inverse.
Nielsen aura en charge l’épineux dossier de l’immigration. Les propositions du Président, maximalistes, seront à l’épreuve des réalités sur le terrain, mais aussi confrontées au droit. Nul doute que l’action du renseignement intérieur se situera sur cette crête. C’est cette permanence du service public qui fait qu’aux USA, un président n’est pas omnipotent, et c’est un vrai signe de démocratie.
Ahmed CHARAI – CEO Global Media Holding