Un des premiers blogueurs égyptiens et du monde arabe, Wael Abbas, star du web des années 2000, farouche opposant à Moubarak, Morsi et Sissi, vient de gagner une manche dans son procès en bénéficiant de la libération conditionnelle après 6 mois d'incarcération, suite à des accusations très lourdes dont l’incitation au renversement du régime égyptien.
Le tribunal pénal de Gizeh, à l'ouest de la capitale égyptienne, Le Caire, a annoncé samedi la libération conditionnelle du militant politique et blogueur égyptien Wael Abbas.
«J'ai assisté à une séance du procès de Wael Abbas. Le magistrat Mu'taz Khafaji a répondu favorablement à notre requête et Wael a été libéré avec des mesures de sûreté », a écrit l'avocat Khaled Ali sur sa page Facebook.
Le tribunal pénal, qui s’est tenu dans une dépendance de l’Institut de police du Caire, a ordonné la mutation de la peine d’emprisonnement du blogueur par des mesures de sûreté. Wael Abbas doit se rendre désormais deux fois par semaine au poste de police pour pointer et manifester sa présence.
Wael Abbas, 43 ans, a été arrêté au mois de mai dernier dans son domicile. Il avait eu le temps de laisser un post sur Facebook : «Je suis entrain de me faire arrêter. » Sa famille et son avocat mettront deux semaines pour connaître son lieu d'incarcération. Le parquet égyptien va l’accuser « d'appartenance à un groupe illégal, de troubles à la sécurité et à la paix sociale, de diffusion de fausses informations susceptibles de semer la confusion, de mauvaise utilisation des médias sociaux, de publication de vidéo sur Facebook comme moyen d’incitation au renversement du régime égyptien et de déstabilisation de la sécurité intérieure du pays. »
Amnesty International avait condamné l'arrestation de Wael Abbas, tandis que l'État égyptien avait rejeté ces accusations arguant que le système judiciaire du pays était indépendant et que la liberté d'opinion était garantie pour tous.
Abbas était l'un des blogueurs pionniers en Égypte dans les années 2000 avec son blog "La conscience égyptienne". Il critiquait farouchement, dans ses écrits, les violences policières, la politique du gouvernement sous le règne de l'ancien président Hosni Moubarak. Il a également publié des vidéos qui ont résonné dans le monde entier, notamment celles sur le harcèlement de masse en Egypte.
Figure du printemps arabe et de la place Attahrir, Wael Abbas était un farouche opposant des Frères musulmans sous la présidence de Mohamed Morsi. Cependant, il s’est frontalement positionné contre le retour de l’armée au pouvoir et la désignation de Abdelfattah al-Sissi à la tête du pays.
Quelques mois avant son incarceration, Wael Abbas s'est vu suspendre puis supprimer son compte twitter. En effet, en décembre 2017, Twitter a fait l'objet de vives critiques après la suspension du compte d'Abbas.
En 2007, le compte YouTube de Wael avait également été suspendu après la publication de vidéos montrant des brutalités policières en Égypte. Son compte Facebook, qui continue de fonctionner jusqu'à la veille de sa libération conditionnelle, a été piraté, selon Reporters sans frontières (RSF).
Sophie Amnuth, directrice du bureau de RSF pour le Moyen-Orient chez RSF, a déclaré: "Bien qu'il ne soit pas clair qui était derrière ces mouvements [la suspension de son compte Twitter], ils semblent avoir été motivés par des considérations politiques. "Abbas a documenté les violations du gouvernement égyptien pendant de nombreuses années sur ses comptes de réseaux sociaux."
Abbas suspectait une intervention des Emirats Arabes Unis dans la suppression de son compte twitter et de plus de 12 années d'archives, car c'est à Dubaï où le réseau social administre les comptes de la région MENA.
Wael Abbas est devenu au fil du temps l'une des 100 personnalités les plus influentes du monde arabe et a été choisi par la BBC comme la personnalité la plus influente du monde arabe en 2006, puis par CNN en 2007.