Boudé par l’Occident, le Prince héritier de l’Arabie Saoudite, Mohamed Ben Salmane, après avoir effectué une tournée dans certains pays arabes, a mis le cap sur l’Asie où il a entamé une tournée qui le conduit notamment au Pakistan, en Inde et en Chine. Il est arrivé dimanche à Islamabad au Pakistan où il a été reçu avec les honneurs par le Premier ministre Imran Khan. MBS s’est envolé le lendemain pour l’Inde où il a rencontré le chef du gouvernement Narendra Modi. Il se rendra ensuite en Chine. Deux courtes escales prévues en Indonésie et en Malaisie ont été annulées. Les autorités de Djakarta et de Kuala-Lampur, traditionnellement amies, l’ayant quasiment considéré persona non grata.
La première étape, au Pakistan, a permis de consolider l’axe sunnite entre Riyadh et Islamabad. MBS a été décoré au cours d’une cérémonie lors de cette visite par le Président pakistanais de l’Ordre Nishan-e-Pakistan, la plus haute décoration civile du pays. Au cours de cette visite, les autorités saoudiennes ont annoncé que sur ordre du prince héritier, 2100 prisonniers pakistanais seront libérés par l’Arabie Saoudite.
La visite du Prince saoudien intervient à un moment où les tensions sont vives entre Islamabad, Téhéran et New Delhi. Les deux pays riverains accusent Islamabad de soutenir des groupes de rebelles qui ont commis plusieurs attentats suicide la semaine dernière en Iran et au Cachemire. Cette dernière région dans l’Himalaya est revendiquée par l’Inde et le Pakistan depuis 1947, date de la fin de la colonisation britannique. L’Inde accuse le Pakistan de prêter main forte aux rebelles, ce que nie Islamabad. Celle-ci a décidé de rappeler son ambassadeur en Inde pour consultations, après que l’Inde ait fait de même. Le Pakistan a rejeté les accusations de New Delhi qualifiées d’«absurdes », et à affiché sa volonté de normaliser ses relations avec l’Inde voisine. De son côté, l’Arabie Saoudite a plaidé pour la désescalade entre les deux pays. Dans une déclaration circonstancielle, le numéro 2 de la diplomatie saoudienne, Adel al-Jubeir, a affirmé que l’objectif de Riyadh est « d’essayer de faire décroître les tensions entre les deux pays voisins et de voir s’il existe une voie pour résoudre ces différends pacifiquement ».
Récusant les accusations iraniennes contre le Pakistan, le ministre d’Etat saoudien a accusé l’Iran d’être le « principal sponsor mondial du terrorisme ». De son côté, l’Iran a mis en garde une délégation pakistanaise en visite à Téhéran que si leur pays n’agit pas contre les terroristes, l’Iran le fera à leur place. L’Iran a aussi menacé de frapper les centres du terrorisme soutenus par l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis.
C’est dans cette zone de haute turbulence que Riyadh, qui veut renforcer sa position sur un marché régional en pleine croissance, l’Asie, où elle compte le plus de clients, est aussi à la recherche d’alliés. La visite de MBS aurait pu coïncider avec la reprise des négociations entre les Talibans et les Etats-Unis, si les premiers n’avaient décidé dimanche, et d’une manière unilatérale, de les reporter sine die, en raison de sanctions internationales contre des membres de leur délégation. Les Talibans, qui devaient aussi rencontrer le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, ne sont plus en odeur de sainteté avec les saoudiens et préfèrent, de loin, négocier avec l’émissaire américain Zalmay Khalil Zad que d’avoir à mener des pourparlers avec Riyadh. Et à quelques heures de la rencontre de MBS avec les dignitaires du régime chinois, le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif s’est envolé d’urgence pour Pékin où il a rencontré les hauts responsables du gouvernement central et du Parti communiste pour les mettre en garde contre toute tentative d’influence saoudienne, forte de ses pétrodollars. En somme, une région en ébullition.