Le suspense a pris fin. Le roi Mohammed VI a reçu, ce mercredi, le nouveau gouvernement de Saad Dine El Otmani. Un gouvernement très ramassé, composé de 24 ministres au lieu de 39. La fausse surprise fût le maintien de Aziz Akhannouch et Moulay Hafid Elalamy et la bonne fût la nomination de Nadia Fettah Alaoui. L'autre surprise inclassable est le nouveau ministre du Travail et de l’Insertion professionnelle, le secrétaire général de la jeunesse du PJD, Mohamed Amkraz.
L'attente fût longue. L'appel aux compétences lancé par le souverain a eu un tel effet sur les citoyens que les hypothèses les plus folles ont été imaginées. Viendra le discours royal du 20 août pour recadrer les choses et mettre fin aux fantasmes, mais l'idée d'un gouvernement de compétences et de sang neuf injecté dans les administrations à même de redresser la situation économique et sociale a fini par s’installer auprès d’une large majorité de la population. Les conseillers du roi ont croulé, depuis, sous les CV de cadres marocains séduits par l'idée de participer à la construction de la nouvelle phase dans laquelle le Maroc compte s'engager.
Akhannouch le seul «pure» Rniste du nouveau gouvernement
Akhannouch qui a choisi de bouder, mardi, le conseil de gouvernement réuni pour valider le PLF, s'est retrouvé aujourd'hui unique «vrai» représentant du parti qu'il préside. Le ministre de l'agriculture a perdu dans ce remaniement son bras droit au RNI, Rachid Talbi Alami, son ministre de la justice Mohamed Aujjar et sa protégée Lamia Boutaleb, ministrable jusqu'à la dernière minute.
Au centre d'une campagne médiatique hostile sans précédant, le maintien de Aziz Akhannouch dans le gouvernement est à priori une fausse bonne nouvelle pour le «favori» des élections de 2021, comme l'ont décrit nos collègues de Maroc Hebdo. Alors que les autres partis, dont les secrétaires généraux ont été libérés des contraintes gouvernementales pour préparer la bataille finale, Aziz Akhannouch devrait faire face à un triple combat, 1)défendre son tracking record, entaché par les rapports de la cour des comptes et le conseil de concurrence 2) Garder l'unité de son parti suite à la sortie de ses lieutenants du gouvernement 3) Réussir son engagement d'animer la scène politique nationale et de gagner les élections de 2021.
Avec deux générations de technocrates, des administrations fusionnées, un nouveau modèle de développement à pondre et une année électorale, El Otmani a du pain sur la planche
En s'imposant une architecture gouvernementale ramassée et en faisant appel à de nouveaux profils venus d'horizons différents, Saad Dine El Otmani ne réalise peut être pas la complexité de sa nouvelle mission. La fébrilité et la légèreté avec laquelle il a géré son premier gouvernement n’augure rien de bon pour la suite. C’est à se demander comment va-t-il piloter cette équipe si hétérogène durant une année ô combien stratégique et dangereuse. Une année de campagne électorale et de crise économique.
Premier défi du gouvernement est de s'adapter à cette nouvelle architecture, inédite dans l’histoire du royaume. Le départ des secrétaires d'état et la fusion de plusieurs portefeuilles est un véritable casse tête d’organisation et de fonctionnement. Moulay Hafid Elalamy par exemple devra gérer le départ de deux secrétaires d'états en plus des projets en stand by comme celui de l'AMDIE. Le très motivé, El Hassan Abyaba, aura la délicate tache de faire fonctionner deux ministères chronophage, la Jeunesse et le sport et la Culture.
Le deuxième défi qui s’érige face à El Otmani 3 est de faire jouer cette équipe, d'apparence déphasée, la même symphonie, dans un environnement médiatique et politique hypertendu. Surtout que les nouvelles stars ne manquent pas, à l’image de l'excellente Nadia Fettah, sortie directement de l'école de Moulay Hafid Elalamy et El Hassan Abyaba, un homme de communication qui a fait preuve de beaucoup de persévérance pour se faire repérer et de se faire nommer porte parole du gouvernement.
Il est vrai que la qualité première de cette nouvelle mouture est qu'elle parait être imperméable aux tempêtes électorales. Des femmes et des hommes de dossiers qui devraient résister aux perturbations générées par les élections. El Otmani manquait de compétences dans son parti, il en a eu. Cependant, il faudrait savoir la gérer cette équipe, pour en sortir le meilleur afin de répondre aux hautes exigences du roi Mohammed VI et des attentes du peuple marocain. Car faute d'ancrage partisan, l'équipe El Otmani 3 ne résistera pas longtemps face à une crise politique ou sociale majeure.