L’ambassadrice de Chine, Mme Yu Jinsong, a été reçue lundi à Rabat par M. Abdellatif Hammouchi, Directeur général de la Sûreté nationale et de la Surveillance du territoire.
L’entretien, tenu au siège central de la DGSN, a porté sur les perspectives de coopération sécuritaire entre les deux pays et sur la coordination en amont de la 93ᵉ Assemblée générale d’Interpol, prévue à Marrakech du 24 au 27 novembre.
Le communiqué officiel souligne que cette entrevue s’inscrit dans la volonté commune de renforcer les partenariats sécuritaires bilatéraux, et reflète l’engagement du pôle DGSN-DGST à consolider la coopération régionale et internationale.
Une évolution dans la méthode chinoise
C’est la première fois qu’un représentant diplomatique chinois engage un dialogue public de ce niveau avec le pôle DGSN-DGST.
Jusqu’ici, Pékin traitait ces questions par canaux techniques ou multilatéraux, privilégiant la discrétion à la visibilité.
Le geste de Mme Yu Jinsong ne traduit pas une rupture, mais un ajustement de méthode : reconnaissance officielle, et non plus officieuse, d’un Maroc désormais considéré comme acteur central de stabilité et de sécurité régionale.
La Chine veille toutefois à maintenir son équilibre : elle n’ignore pas la sensibilité de ces signaux vis-à-vis de son partenaire économique historique, l’Algérie, avec lequel elle préserve une coopération dense mais politiquement prudente.
Un contraste avec la période Li Changlin et ses prédécesseurs
Les prédécesseurs de Mme Yu Jinsong, notamment Li Changlin (2021-2025), s’étaient limités à un agenda économique et culturel, sans interaction connue avec les services de sécurité marocains.
Durant son mandat, aucune visite au siège de la DGSN-DGST n’avait été enregistrée, et encore moins dans les provinces du Sud.
Cette réserve relevait de la ligne traditionnelle de Pékin : neutralité stricte sur toute question territoriale et prudence sur les symboles diplomatiques.
L’audience accordée à Mme Yu Jinsong rompt avec cette inertie.
Elle place la Chine dans une posture de neutralité active, où la coopération sécuritaire devient un instrument diplomatique à part entière, et non plus un simple domaine fonctionnel.
Résolution 2797/2025 : la neutralité comme signal
Cette ouverture intervient dans le prolongement de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, adoptée fin octobre.
La Chine s’y est abstenue, évitant tout alignement automatique tout en reconnaissant, de facto, la logique de la proposition d’autonomie marocaine.
Cette position, qualifiée de « neutralité constructive », marque une inflexion silencieuse : Pékin privilégie désormais l’engagement mesuré à la distance de principe.
La maîtrise du narratif, nouvel axe d’influence
Parallèlement à ce contact sécuritaire inédit, Mme Yu Jinsong a multiplié les rencontres ciblées :
– avec le ministre du Transport Abdessamad Qaiouh, sur le dossier des infrastructures et de la LGV,
– avec Amina Oufroukhi, vice-présidente de l’Union Nationale des Femmes du Maroc, première initiative du genre pour une diplomate chinoise à Rabat,
– et avec Danielle Ben Yahmed, vice-présidente du groupe Jeune Afrique.
Cette dernière entrevue est particulièrement révélatrice de la mission politique confiée à Mme Yu Jinsong : maîtriser le narratif chinois dans les espaces francophones d’influence, à Paris, à Rabat et en Afrique de l’Ouest, là où se façonnent aujourd’hui les perceptions du rôle de la Chine sur le continent.
Ce travail de cadrage discursif intervient à un moment où la bascule onusienne du dossier du Sahara recompose les équilibres d’influence africains et redéfinit les lignes de communication diplomatique.
Le Sud du Maroc, nouveau point d’observation
Les provinces du Sud connaissent une montée soutenue des investissements étrangers, notamment américains, britanniques et français, dans l’énergie, la logistique et l’industrie.
Pékin observe cette dynamique avec attention.
Ses propres projets : gigafactories, infrastructures ferroviaires à grande vitesse, et filières industrielles, traduisent déjà une implantation économique durable.
L’ouverture d’un canal de dialogue sécuritaire vient compléter ce maillage, en ajoutant une dimension de confiance institutionnelle aux échanges économiques.
La prochaine étape, si elle devait inclure une visite de Mme Yu Jinsong dans les provinces du Sud, consacrerait symboliquement cette nouvelle lecture de la réalité marocaine.
Mémoire symbolique et continuité diplomatique
L’histoire de la relation sino-marocaine est jalonnée de gestes de reconnaissance mutuelle.
En 1960, à la tribune des Nations Unies, Feu SM le Roi Hassan II avait plaidé pour que la République populaire de Chine retrouve son siège légitime à l’ONU, dénonçant l’injustice de son exclusion et appelant au réalisme dans la représentation internationale.
Cette position précoce, fondée sur le respect des souverainetés et de l’unité nationale, a jeté les bases d’une relation bilatérale durable, fondée sur la non-ingérence et la reconnaissance réciproque.
Cette cohérence a trouvé une traduction concrète en mai 2016, lors de la visite d’État de SM le Roi Mohammed VI à Pékin, couronnée par la signature d’un partenariat stratégique global.
Ce cadre a institutionnalisé la coopération politique, économique et culturelle entre les deux pays, tout en inscrivant le Maroc dans la trajectoire de la Nouvelle Route de la Soie.
Le 21 novembre 2024, cette continuité s’est matérialisée lors de l’escale du président Xi Jinping à Rabat, accueilli par SAR le Prince Héritier Moulay El Hassan.
Un geste à la fois protocolaire et symbolique, scellant la confiance entre deux générations d’États stables et attachés à la constance.
Lecture d’ensemble
La Chine ne change pas de position ; elle en affine les contours.
Le Maroc, fort de sa stabilité et de son rayonnement diplomatique, s’impose pour Pékin comme un partenaire d’équilibre entre l’Europe, l’Afrique et le monde arabe.
La visite de Mme Yu Jinsong auprès de M. Hammouchi ne relève pas du protocole : elle constitue un indicateur de confiance politique.
La sécurité marocaine, longtemps observée avec distance, est désormais reconnue comme un modèle avec lequel il faut composer dans une diplomatie qui érige la souveraineté en principe et la sécurité en langage commun entre nations indépendantes.
Activités officielles de l’Ambassade de Chine au Maroc depuis la nomination de Mme Yu Jinsong
Période : 28 septembre – 11 novembre 2025
Source : analyse des 50 publications récentes du compte officiel @ChineAmbMaroc
Rencontres officielles et coopération bilatérale
• 29 octobre, Rabat : Rencontre avec Abdessamad Qaiouh, ministre du Transport.
• 1ᵉʳ novembre, Rabat : Entretien avec Danielle Ben Yahmed, vice-présidente de Jeune Afrique Media.
• 5 novembre, Rabat : Rencontre avec Amina Oufroukhi (UNFM).
• 10 novembre, Rabat : Réception par Abdellatif Hammouchi (DGSN-DGST).
Événements politiques et économiques chinois
• 4ᵉ plénum du PCC et 15ᵉ plan quinquennal (27–28 oct.).
• Livres blancs sur le Xinjiang et le développement des femmes (3 oct.).
• Lancement de l’Organisation internationale pour la médiation à Hong Kong (23 oct.).
Thèmes internationaux et multilatéraux
• Appels à un cessez-le-feu à Gaza et à la solution à deux États (10 et 15 oct.).
• Réactions aux sanctions et tarifs américains (15 oct.).
• Félicitations au Maroc pour son adhésion à l’Organisation internationale pour la médiation (5 nov.).
Culture, sport et célébrations
• 67ᵉ anniversaire des relations Chine–Maroc (4 nov.).
• Félicitations aux sélections U-17 chinoise et marocaine (20 et 27 oct.).
• Participation à la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin (16–17 oct.).
Autres contenus
• Interview d’un sinologue marocain sur Xi Jinping et Donald Trump (6 nov.).
• Vidéo sur le développement vert en Chine (10 oct.).







