Sur Europe 1, l'analyste Vincent Hervouet a abordé, dans sa chronique matinale de ce lundi, la polémique créée de toutes pièces par les médias français au sujet de l'aide internationale offerte au Maroc suite au séisime d'Al Haouz. «Le Maroc a un gouvernement. Ce n'est pas Haïti où l'État était par terre bien avant qu'un séisme ne démolisse le Palais national» a-t-il affirmé.
M. Hervouet estime que le Maroc veut garder la maîtrise des secours, ne pas se laisser déborder par les ONG, qu'elle soit occidentales ou islamiste. Ce ne sera pas l'Indonésie submergé par l'aide internationale après les tsunamis. «Cette une affaire de souveraineté, et aussi de standing» souligne le spécialiste de la géopolitique.
Après le récent séisme qui a frappé le Maroc, le monde a immédiatement tendu la main pour apporter son aider. Toutefois, la décision des autorités marocaines de limiter l'arrivée des secours étrangers a suscité de nombreuses questions et interrogations, principalement auprès des médias français et allemands.
Sur Europe 1, Vincent Hervouet, journaliste depuis quarante ans, spécialisé dans les affaires du monde et la géopolitique, a consacré sa chonique matinale à ce sujet.
Il a commencé par rappelé les faits, précisant que le Maroc a toujours été un pays aux multiples amis. Et que suite au séisme, de nombreuses nations ont offert leur assistance.
«C'est dans les épreuves qu'on reconnaisse ses amis, et le Maroc a beaucoup d'amis. Tous ont offert leur aide dès samedi» a-t-il affirmé.
Bien que le roi Mohammed VI ait exprimé sa gratitude, il a choisi d'ouvrir ses frontières uniquement aux équipes d'Espagne, des Émirats et du Royaume-Uni, a souligné M. Hervouet, [oubliant de citer le Qatar].
Contrairement à des pays comme Haïti, dévastés bien avant qu'un tremblement de terre ne vienne accentuer les dégâts, le Maroc possède un gouvernement solide et des infrastructures adéquates, estime le journaliste. Il s'agit ici d'une question de souveraineté et de préservation de l'image du pays. Le Maroc, en tant que pays émergent, souhaite gérer lui-même la situation, sans être submergé par l'aide extérieure.
❞ Ce n'est pas Haïti où l'État était par terre bien avant qu'un séisme ne démolisse le Palais national
Vincent Hervouet
La France, malgré sa proposition d'aide rapide, a été rejetée. Emmanuel Macron, le président français, a exprimé son bouleversement face à cette catastrophe, mobilisant même de grands acteurs internationaux pour discuter d'une éventuelle aide. Pourtant, les relations diplomatiques entre le Maroc et la France sont tendues depuis un moment, et ce rejet de l'aide française ne semble pas être un incident isolé.
En mars dernier, rappelle M. Hervouet, lors d'un sommet au Gabon, Macron avait tenté de contacter le roi Mohammed VI, mais en vain. Les relations entre les deux dirigeants, ainsi qu'entre les deux nations, semblent être au plus bas. Depuis l'indépendance du Maroc, les liens entre Rabat et Paris ont toujours été entretenus, malgré les divergences. Mais ces dernières années ont été marquées par des crises diplomatiques, des enjeux géopolitiques et des tensions mutuelles.
❞ Le Maroc se veut un pays émergent. Il a des ressources, des volontaires, des hôpitaux, des militaires. Il ne fait pas la manche.
Vincent Hervouet
Il est important de mentionner que ces tensions ne sont pas uniquement dues à des enjeux politiques. D'autres facteurs, tels que la rivalité avec l'Algérie, la question du Sahara et la dynamique complexe entre l'ancien colonisateur et l'ancien colonisé, ont également joué un rôle. La querelle entre le président français et le Roi du Maroc est bien plus profonde que de simples divergences d'opinion, et les envois d'aide ne pourront pas effacer ces tensions.
Néanmoins, malgré ces tensions diplomatiques, la proximité entre les peuples français et marocain demeure, explique M. Hervouet. L'émotion en France face à la tragédie au Maroc en est une preuve. Les relations entre les dirigeants peuvent être tendues, mais la solidarité et la compassion entre les peuples restent intactes.
Ci-après la retranscription intégrale de la chronique de Vincent Hervouet, publiée sur le site d'Europe 1 sous le titre : «Le Roi du Maroc n’appelle pas au secours…».
Dimitri Pavlenko : Bonjour Vincent Hervouet.
Vincent Hervouet : Bonjour Dimitri. Bonjour à tous.
Dimitri Pavlenko : Vincent, on parle avec vous ce matin du séisme au Maroc. Le monde entier a proposé son aide, mais les autorités marocaines ne sont pas pressées d'accueillir les équipes d'urgence, notamment les secours français.
Vincent Hervouet : Oui, c'est dans les épreuves qu'on reconnaisse ses amis, et le Maroc a beaucoup d'amis. Tout son offert leur aide dès samedi. Le roi a dit merci. Il a ouvert ses frontières aux seules équipes envoyées par le voisin espagnol, au pont aérien des émirats, et à spécialiste britanniques aussi. Le Maroc a un gouvernement.
Ce n'est pas Haïti où l'État était par terre bien avant qu'un séisme ne démolisse le Palais national.
Le Maroc veut garder la maîtrise des secours, ne pas se laisser déborder par les ONG, qu'elle soit occidentales ou islamiste.
Ce ne sera pas l'Indonésie submergé par l'aide internationale après les tsunami.
Cette affaire de souveraineté, et aussi de standing.
Le Maroc se veut un pays émergent. Il a des ressources, des volontaires, des hôpitaux, des militaires. Il ne fait pas la manche.
Ajoutons que ce grand barnum des ONG humanitaires aurait eu du mal à se frayer un chemin sur les routes de montagne coupé par les éboulis. Elle serait arrivée trop tard, de toute façon, pour sauver des vies.
Dimitri Pavlenko : Alors, la France n'a pas été, Vincent, la dernière à proposer ses services, mais en vain.
Vincent Hervouet : Emmanuel Macron s'est dit bouleversé, ce qui est beaucoup d'émotion quand même. À New Delhi, il a aussi réuni le Premier ministre indien, l'Union européenne, Union africaine, FMI, la Banque mondiale, enseigner ensemble une promesse d'aide, ce qui fait beaucoup d'agitations quand même. Enfin, silence.
Si, dans le malheur, on reconnaît ses amis, on n'oublie pas ses ennemis. En mars, Emmanuel Macron était au Gabon pour un sommet sur la forêt. Mohammed VI séjournait. Le président l'a appelé, le roi n'a même pas décroché. Le président a quand même prétendu en conférence de presse savoir des relations personnelles amicales avec le souverain. Les Marocains ont pris ce déni pour du mépris.
Le démenti glacial est tombé de Rabat. Les relations ne sont ni bonnes ni amicales, pas plus entre les deux gouvernements, contre le Palais Royal et l'Élysée. C'est un non catégorique, un non comme une porte qui claque.
Dimitri Pavlenko : Vincent, c'est du jamais vu depuis l'indépendance.
Vincent Hervouet : Mais autant Alger passe son temps à insulter Paris à tout propos et c'est constant depuis 60 ans, autant le Maroc et la France sont toujours ménagés, même quand les hommes politiques n'avaient pas d'atomes crochus. Mais, depuis 10 ans, les crises se succèdent.
Il y a eu les coups fourrés des services secrets qui ont joué un rôle majeur dans cette brouille. C'est un roman, j'en connais un bout.
Il y a la rivalité avec Alger que François Hollande, puis Emmanuel Macron, ont tellement courtisé.
Il y a l'affaire du Sahara, dans telle et la France refuse de s'aligner sur les États-Unis, l'Espagne, ou l'Allemagne, qui ont reconnu que ce désert était marocain.
Il y a l'arrogance de l'ancien colonisateur qui se croit irremplaçable, et l'arrogance de l'ancien colonisé qui néglige le principal investisseur, son meilleur client, le pays où réside la plus grande partie de sa diaspora.
Et il y a, enfin, l'animosité que se porte un roi et un président.
Pour une fois, on pourra pas accuser les Russes. Question de caractère. Question de génération aussi.
Envoyer des pansements ne suffira pas à enterrer la querelle. Elle est d'autant plus incongrue que les deux peuples sont proches. On le voit depuis samedi avec l'émotion que suscite ici le malheur vécu là-bas.
Dimitri Pavlenko : Signature: Europe 1. Vincent Hervouet. Merci beaucoup Vincent.