Le paysage énergétique de la péninsule ibérique connaît une recomposition majeure : pour la première fois depuis des mois, les États-Unis se sont hissés au rang de premier exportateur de gaz vers l’Espagne, devançant l’Algérie. Un basculement qui illustre à la fois la montée en puissance du gaz naturel liquéfié américain et l’érosion progressive de la suprématie algérienne sur le marché espagnol.
Une bascule en août 2025
Selon les données publiées par Enagás et compilées par la plateforme spécialisée Energy Platform, l’Espagne a importé en août 27,75 TWh de gaz, soit une baisse de 10,3 % par rapport à juillet. Mais c’est la structure des approvisionnements qui retient l’attention :
- Les États-Unis ont fourni 10,58 TWh, représentant 38,1 % des importations espagnoles,
- L’Algérie est reléguée à la deuxième place avec 10,09 TWh (36,4 %),
- La Russie complète le podium à distance, avec 7,8 % (2,15 TWh).
Autrement dit, Washington a pris le dessus sur Alger, après deux mois de domination algérienne.
Les tendances structurelles
Sur les huit premiers mois de 2025, l’Algérie reste toutefois le premier fournisseur, avec 33 % des importations cumulées (81,87 TWh), contre 30,7 % pour les États-Unis (76,22 TWh). Mais la dynamique joue clairement en faveur du gaz américain :
- Les volumes américains progressent rapidement, passant de 41,5 TWh en 2024 à 76,2 TWh en 2025 (+83 %),
- L’Algérie stagne, voire recule légèrement, glissant de 84,2 TWh en 2024 à 81,8 TWh en 2025.
La part de la Russie s’effondre sur la même période, tandis que des acteurs secondaires comme le Nigéria ou l’Angola voient leur rôle fluctuer.
Importations de gaz de l’Espagne – Janvier à août 2025
Rang | Pays exportateur | Volume (TWh) | Part de marché (%) | Évolution vs 2024 |
---|---|---|---|---|
1 | Algérie | 81,87 | 33,0 % | ↓ (84,25 TWh en 2024) |
2 | États-Unis | 76,22 | 30,7 % | ↑ forte (41,51 TWh en 2024) |
3 | Russie | 30,51 | 12,3 % | ↓ (53,23 TWh en 2024) |
4 | Nigéria | 20,15 | 8,1 % | ↑ (16,14 TWh en 2024) |
5 | Angola | 13,39 | 5,4 % | ↑ (aucune donnée 2024 fournie pour août mais recul structurel vs 2023) |
6 | France | 5,42 | 2,2 % | ↓ (11,82 TWh en 2024) |
7 | Pérou | 5,44 | 2,2 % | ↓ (aucune livraison en août 2025) |
8 | Portugal | 5,06 | 2,0 % | ↓ (8,52 TWh en 2024) |
9 | Qatar | 4,87 | 2,0 % | ↓ (6,08 TWh en 2024) |
— | Autres (Norvège, Congo, Cameroun) | ~4,9 cumulés | <2 % | Variables |
La revanche du GNL américain
Le succès américain tient à un facteur clé : la flexibilité et la compétitivité du gaz naturel liquéfié (GNL). Alors que l’Algérie dépend majoritairement de ses pipelines sous-marins reliant directement l’Espagne, Washington tire profit de ses terminaux méthaniers et de son offre spot, mieux adaptée à la volatilité des prix et de la demande européenne.
En août, la quasi-totalité des volumes américains livrés à l’Espagne (10,58 TWh) provenait de GNL, démontrant la montée en puissance de cette filière.
Importations de gaz de l’Espagne – Août 2025
Rang | Pays exportateur | Volume (TWh) | Part de marché (%) | Type principal |
---|---|---|---|---|
1 | États-Unis | 10,58 | 38,1 % | GNL |
2 | Algérie | 10,09 | 36,4 % | Gaz naturel + GNL |
3 | Russie | 2,15 | 7,8 % | GNL |
4 | Nigéria | 1,86 | 6,7 % | GNL |
5 | France | 1,54 | 5,5 % | Gaz naturel |
6 | Qatar | 0,785 | 2,8 % | GNL |
7 | Portugal | 0,702 | 2,5 % | Gaz naturel |
— | Autres (Angola, Pérou, Norvège, Congo, Cameroun…) | 0,0 | 0 % | Aucune livraison |
Un rapport de force bouleversé
L’évolution des flux traduit un changement de rapport de force énergétique et diplomatique. Longtemps perçue comme l’alliée énergétique privilégiée de Madrid, l’Algérie voit sa position contestée par un acteur extra-européen capable de fournir des volumes massifs et réguliers. Pour l’Espagne, cette diversification marque une volonté de réduire sa dépendance aux tensions politiques et d’ancrer davantage sa sécurité énergétique dans le marché global du GNL.