La vague de nominations opérée par le Roi Mohammed VI au sein de l’administration territoriale s’inscrit dans une logique de reconfiguration fonctionnelle de l’appareil déconcentré de l’État. Ce redéploiement, qui touche des territoires à profils socio-économiques contrastés, traduit une volonté claire de renforcer les capacités managériales locales, d’ajuster les ressources humaines aux spécificités régionales et de consolider les relais de l’État dans les zones à forts enjeux stratégiques. À travers une lecture territoriale de ces mouvements, se dessine une approche différenciée de la gouvernance, cohérente avec les objectifs de régionalisation avancée, de performance publique et d’aménagement équilibré du territoire.
Les 25 nominations dans l’administration territoriale ne sont pas de simples mouvements de personnel : elles dessinent une lecture stratégique du territoire marocain, où chaque région représente un enjeu particulier en matière de gouvernance, de développement ou de cohésion sociale. Trois grands axes émergent : les zones à fort potentiel économique, les territoires fragiles ou enclavés, et les métropoles à gouvernance sensible.
Territoires à fort potentiel économique ou démographique : vers un encadrement renforcé
Région Casablanca-Settat
- Settat (Mohamed Ali Habouha) et Berrechid (Jamal Khallouq) : situées au carrefour de l’axe atlantique et des régions intérieures, ces provinces concentrent une forte pression urbaine, des enjeux industriels (notamment agroalimentaires) et une croissance démographique continue.
- Mohammedia (Adil El Maliki) : ville côtière stratégique, pôle industriel et logistique, trait d’union entre Casablanca et Rabat.
Région Rabat-Salé-Kénitra
- Nomination d’un gouverneur régional chargé des affaires intérieures (Youness El Khouildi) : montre l’importance accordée à la coordination politique et administrative dans la région capitale.
Région Tanger-Tétouan-Al Hoceima
- Gouverneur régional aux affaires intérieures (Oulaid Lemsafer) : indique la volonté de maintenir la dynamique de développement dans le nord tout en renforçant l’encadrement de zones rurales limitrophes.
Territoires fragiles, périphériques ou sensibles : présence renforcée de l’État
Région Fès-Meknès
- Sefrou (Brahim Abouzaid) : province au riche patrimoine agricole et culturel, adossée à Fès et historiquement liée aux dynamiques du Moyen Atlas.
=> Cette nomination vise à renforcer la coordination entre zones rurales et urbaines, dans une région confrontée à des défis de développement équilibré, de mobilité et d’emploi.
Région de l’Oriental
- Berkane (Hamid Chnouri) et Figuig (Noureddine Ouabbou) : deux provinces frontalières face à l’Algérie. Contexte stratégique sur fond de tensions régionales. Renforcement de l’encadrement administratif.
Régions du Sud et du Sud-Est
- Tata (Mohamed Bari) : territoire saharien, peu densément peuplé, clé pour les politiques de désenclavement, d’économie oasienne et de développement des énergies renouvelables.
- Sidi Ifni (Mohamed Darham) : façade atlantique méridionale, enjeu maritime et social.
- El Kelaâ des Sraghna (Samir Lyazidi) : province charnière entre le Haouz et le Tadla, souffrant d’un manque d’infrastructures malgré son potentiel agricole.
Zones métropolitaines et gestion urbaine sensible
Grand Casablanca
- Préfecture d’arrondissement Aïn Chock : Mme Bouchra Barradi
=> Symbolique forte : première femme nommée à ce niveau à Casablanca. Quartier mixte, entre dynamique estudiantine, croissance urbaine et poches de précarité.
Marrakech-Safi
- Gouverneur régional chargé des affaires intérieures : Mme Hanane Riahi
=> Ville touristique et diplomatique, en pleine transition métropolitaine. Enjeu : gouvernance durable et sécurité.
La féminisation progresse, avec détermination
La nomination de Mme Bouchra Barradi à Aïn Chock et de Mme Hanane Riahi à Marrakech-Safi marque une avancée notable dans la féminisation de la haute fonction territoriale.
Discrète mais résolue, cette progression témoigne d’un engagement clair en faveur d’une gouvernance inclusive et pleinement représentative des talents du Royaume.
Territoires ruraux ou agricoles : gestion fine et proximité
- Chtouka-Aït Baha (Mohamed Salem Essabti) : bastion de l’agriculture d’exportation (primeurs, agrumes). Enjeux fonciers et hydriques.
- Khouribga (Hicham Medaghri Alaoui) : capitale du phosphate, combinaison industrie lourde / zones rurales en tension.
- Youssoufia (Abdelmoumen Taleb) et El Hajeb (Omar Lamrini) : provinces à vocation agricole avec un tissu socio-économique fragile.
- Sidi Bennour (Mounir Houari) : bassin laitier du Maroc, nécessite un encadrement adapté à la nouvelle donne agricole post-sécheresse.