L’intervention télévisée de Saad Dine El Otmani, ce jeudi, n’a pas spécialement rassuré les marocains, confinés depuis le 20 mars, mais elle ne les pas non plus particulièrement perturbé. Les réactions ont été partagées entre indignation, colère, railleries, mais aussi encouragement et résignation.
Le Chef de Gouvernement a déçu ceux qui s’attendaient à des annonces sur le déconfinement. En contre partie, il a rassuré les «patriotes» qui tiennent à ne pas briser la sacrosainte unité des marocains, enfin retrouvée. Sans oublier, bien évidemment qu’une large frange de la population n’a même pas été au courant de ce rendez-vous télévisuel.
Les sorties médiatiques du successeur de Abdelilah Benkirane, se suivent et se ressemblent. Face à la caméra, il ne peut pas s’empêcher d’afficher son sourire béat et son air inoffensif. Du coup, l’effet sur le public est devenu quasi-mécanique : une minorité de son audience réagit, une autre raille, s’indigne, peste et tout le reste zappe. Un phénomène qui ne va pas sans rappeler le fameux effet Placebo. Lequel consiste à faire croire à une personne qu'une substance est capable de la soigner alors qu'en réalité, elle n’a aucun effet thérapeutique intrinsèque.
La classe politique marocaine, à l’image de celle du reste du monde, a été incapable de rassurer l’opinion publique face à l’ampleur de cette terrible crise sanitaire.
Alors qu’aux États-unis et en Europe, les dirigeants politiques se sont cachés derrière une communauté scientifique désemparée, chez-nous, ceux ci se sont planqués derrière l’appareil de l’état, piloté par le souverain. Un appareil qui a fait preuve de réactivité, d’audace et de courage. Une prise en main tellement efficace que les marocains en étaient surpris, puis fiers, bien avant la communauté internationale.
Coronavirus a mis à nu ces organisations partisanes pour qui le calcul électoral et politique était de loin plus important que le risque sanitaire ou économique. Et ce n’est pas une exagération. La presse française et américaine évoquent quotidiennement des scandales d’états dont étaient responsables la classe politique dirigeante. Chez-nous ce n’est pas plus gai. Rappelez-vous comment les principales formations politiques du pays, se sont mises à comploter, pour faire passer une loi en catimini visant à protéger leurs intérêts, la fameuse loi 20.22, au lieu de se mobiliser sur le terrain pour soutenir l’Etat, en venant en aide aux populations les plus exposées aux retombées sociales et économiques de la crise.
Quand à Saad Dine El Otmani, il s’est donné la mission de sourire devant les caméras, ayant pour seul souci de ne pas alarmer les citoyens. D’ailleurs, il n’a pas cessé de dire la chose et son contraire, dans un silence assourdissant du plus grand nombre des formations politiques. Un silence que le milliardaire Aziz Akhannouch a souhaité briser en imaginant une prise de parole sur le Covid-19. Une sortie qui s’est transformée, à l’image de toutes les autres, grâce à l’incompétence de ses équipes de communication et de conseil politique, à un harakiri monumental.
Aziz n’a pas été le seul à se planter. Le tonitruant Mohamed Ziane, le SG du parti marocain libéral, s’est fait choper, cette fois-ci non à cause de ses habituels coups de gueule, mais lors d’une transaction de masques de protection qui a mal tourné, dans laquelle se sont empêtrés son fils et un escroc notoire.
Pendant ce temps là, se sont des responsables apolitiques qui se sont le plus engagés et qui ont pris le plus de risques dans le pilotage de la mise en place de la stratégie de confinement. Et on les compte sur les bouts des doigts : Abdelouafi Laftit, Khalid Ait Taleb, Mohamed Benchaâboun et Mly Hafid Elalamy, sans compter Abdellatif El Hammouchi et les autres responsables sécuritaires et militaires.
Ces technocrates n’ont peut-être pas tout réussi, ont commis des erreurs, mais étaient au moins au front de manière quotidienne, prenant des décisions, ajustant, communiquant et encaissant la pression de l’opinion publique et des fois les réprimandes du souverain.
Jeudi, Saad Dine El Otmani, face aux caméras, nous a dit la vérité, sa vérité : il ne sait absolument pas comment le gouvernement allait gérer la suite des évènements. Cela ne veut pas dire que le Maroc n’a pas de stratégie de déconfinement.
L’équipe projet qui a lancé et piloté la première phase de la stratégie de lutte contre la pandémie, est à même, grâce à la compilation de la data collectée durant les derniers cinquante jours, et des différentes expériences mondiales, d’imaginer des scénarios de redémarrage de la vie économique et sociale. Un processus, que le Chef de Gouvernement, El Otmani, n’a ni l’envie, ni la capacité, ni les équipes, ni le courage de le challenger.
Et pour preuve, moins de 48 heures après la fameuse interview d’Al Oula, le ministre de la santé, Khalid Ait Taleb, a été sommé de sortir remplir les blancs laissés par le Chef de Gouvernement, en donnant ce samedi une déclaration télévisée à la même chaîne.
Khalid Ait Taleb, avec son air le plus grave et le plus sérieux a tempéré l’optimisme excessif et infondé d’El Otmani, en expliquant les conditions indispensables pour amorcer le déconfinement, particulièrement la stabilité de la situation épidémiologique, et en appelant les citoyens à faire preuve d’esprit de responsabilité, de solidarité et de patience.
Il fallait donc injecter d’urgence à l’opinion publique une dose d’anti-inflammatoire, pour les préparer au prolongement du déconfinement, après avoir observé, non sans déception, l’absence d’effet significatif du Placebo.