Fact-checking : Google et Ecobank ont-ils conclu des partenariats pour renforcer l’offre numérique de la banque ?

La banque panafricaine Ecobank dont le siège social se trouve à la capitale togolaise Lomé, a enchainé la diffusion à très grande échelle de communiqués faisant état de plusieurs partenariats avec Google. Le dernier en date, annonce une offre de solutions digitales pour les PME africaines dans le cadre d’une collaboration avec le géant américain du web. Le contenu de cette collaboration nous a mis la puce à l’oreille. Quel intérêt aurait Google à conclure un partenariat avec une banque pour commercialiser un service gratuit comme Google My Business ? Les deux partenaires ont-ils communiqué conjointement sur le sujet ? Pour satisfaire notre curiosité nous avons mené notre petite enquête qui a permis de savoir ce qu’il en est. 

Durant le mois de mai, Ecobank a fait appel, à deux reprises, à la société suisse APO Group spécialisée dans la diffusion de communiqués de presse. L’objectif du contrat est d’inonder la toile par des les éléments de langages suivants : «En raison de la pandémie du Covid-19, Ecobank, banque engagée, s’est alliée avec Google pour renforcer son offre digitale».

Le premier communiqué annonçait qu’Ecobank et Google collaboraient pour permettre aux enfants africains de continuer leur apprentissage pendant la pandémie de COVID-19.

Quand on a examiné de plus près cette annonce, on découvre le pot aux roses. Ecobank n’a ni élaboré, ni participé à l’élaboration d’aucun produit ou contenu destiné à l’éducation des enfants.

En effet, dans sa communication elle ne fait q’encourager et inviter à suivre d’une part un Webinar de Google sur la sécurité informatique destiné aux familles et de télécharger, d’autre part, depuis Google Play, une sélection d’applications mobiles développées depuis des années par d’autres éditeurs.

Certes, avec cette communication, Ecobank fait de la promotion du contenu et des services de Google, mais contrairement à ce quelle a voulu faire comprendre, elle n’a apporté absolument aucune valeur ajoutée à cette population qu’elle dit vouloir soutenir.

Quand au second communiqué qui date du mercredi 20 mai, l’établissement bancaire se félicitait encore une fois d’un partenariat avec Google qui consisterait à une offre de solutions numériques adaptées aux PME clientes d’Ecobank.

Derrière les mots pompeux de solutions numériques, Ecobank faisait allusion à l’annuaire gratuit Google My Business et la régie publicitaire Google Ads. Sic!

A ce titre, nous allons laisser à nos lecteurs le plaisir de lire et de juger eux-mêmes les contradictions des déclarations d’un haut cadre de la banque, cité dans le communiqué de presse: « En tant que pionnier de longue date dans la fourniture des solutions digitales de pointe aux entreprises africaines - À date, Ecobank était connue pour être une banque et non une SSII- , nous sommes heureux de collaborer avec Google pour mettre à disposition des facilités adéquates et pratiques, notamment, Google My Business et Google Ad. Ces produits sont spécifiquement mis au point pour répondre aux besoins de nos clients PME » - Donc selon cette responsable, Google aurait développé des produits spécifiques aux clients d’Ecobank -.

« (…) C’est donc logique que nous nous soyons associé à Google pour aider à développer les capacités de nos clients PME. Nous cherchons fondamentalement à les aider à devenir prospères en adoptant la voie de la technologie, devenue aujourd’hui indispensable à la pérennité des entreprises» - La doctrine d’Ecobank pour la transformation digitale des PME africaines se résume donc à les inscrire dans l’annuaire Google et les faire payer de la publicité -.

A cette étape il devient clair qu’Ecobank n’a finalement conclut aucun partenariat avec Google et qu’elle n’avait finalement élaboré aucun contenu digital pour les enfants africains, ni de solutions numériques pour ses clients. D’ailleurs Google n’a fait aucune communication sur ces sujets.

Toutefois, des interrogations persistent : Pourquoi donc, faire tout ce tapage ? Pourquoi ça n’a concerné que le web ?

Nous avons alors décidé de continuer notre investigation.

Pour être tout à fait transparent, nous n’avons pas eu à chercher longtemps pour avoir les premiers éléments de réponse. Car ils étaient sous nos yeux.

En effet, à la relecture du communiqué en date du 20 mai, le paragraphe ci-après nous a mis sur la piste :

«La gamme de produits digitaux proposée par Ecobank est devenue d’autant plus pertinente que le confinement et la distanciation physique ont été imposés par la pandémie du COVID19.
L’offre de produits bancaires digitaux de Ecobank couplée à cette collaboration avec Google se présente comme un catalyseur de succès pour les PME
».

Jusque là, la banque nous a suggéré qu’elle disposait d’une offre digitale opérationnelle et de surcroît labellisée Google. Mais la suite va déstructurer cette croyance chez tout lecteur avisé :

«Cette gamme de produits digitaux sera accessible aux clients PME de Ecobank dans toute l’Afrique subsaharienne, dès le mois de mai 2020

Ecobank joue donc au marchand de sable!

Ecobank très en retard dans sa transformation numérique

Le management de la banque togolaise a été complètement pris de court par la pandémie du coronavirus. Les décisions de confinement et les états d’urgences sanitaires décrétés par presque tous les pays africains ont mis à nu le système d’information de l’établissement bancaire.

Ce réveil douloureux de la banque panafricaine a donné lieu à une course contre la montre pour sauver les meubles et exposer progressivement des services sur le web pour une clientèle qui ne pouvait que très difficilement se déplacer vers les agences, avec tous les risques de contamination à la Covid-19. De plus, les PME dans leur lutte de survie, après l’arrêt brutal de l’économie et à l’heure du télétravail et de la distanciation sociale, n’ont plus le choix que de privilégier des partenaires à même de les accompagner dans le virage numérique accéléré par la pandémie.

Et dans l’attente du déploiement de ses produits digitaux, Ecobank société cotée sur plusieurs places boursières africaines se devait de maintenir envers les investisseurs, une communication qui la présentait comme une banque connectée, engagée socialement et disposant d’une offre digitale «rassurante» et labellisée au diapason de ses concurrentes du continent. D’où la décision de faire appel aux services de la société suisse APO Group, spécialisée dans la saturation des moteurs de recherche.

L’opération a un effet positif sur la e-réputation sur le court terme mais comporte un risque très important sur le moyen et long terme surtout quand on fait l’erreur d’associer à son insu un géant mondial tel que Google.

Intelligence analyst. Reputation and influence Strategist
20 années d’expérience professionnelle au Maroc / Spécialisé dans l’accompagnement des organisations dans la mise en place de stratégies de communication d’influence.

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