Les établissements bancaires et les études de notaires ont été assaillis ce début de semaine par des clients en panique après le blocage, au niveau national, de la signature des actes de ventes des biens immobiliers acquis par emprunt bancaire. A l’heure où nous écrivons ces lignes, personne au Maroc, ni corps notarial, ni établissements de crédit ne sont dans la possibilité de rassurer les clients sur l’issue de ce grand cafouillage.
Lundi, le marché de l’immobilier s’est réveillé sous le choc d’apprendre que les procurations sous seing privé données par les Présidents des établissements bancaires aux directeurs centraux et, par sub-délégation, aux directeurs d’agence, n’étaient plus valides et que toutes les transactions immobilières étaient suspendues.
Le comble c’est que l’annulation de ces procurations devait être effective depuis le 14 septembre, date de la publication dans le bulletin officiel de la loi n°69-16 complétant l'article 4 de la loi n°39-08 relative aux droits réels, conformément au préambule du Dahir n°1-17-50 du 30 août 2017.
Ce texte a pour principal objectif d’exiger l’authenticité de toute procuration relative aux transactions immobilières. Concrètement cela veut dire qu’un Othman Benjelloun, par exemple, devra se présenter personnellement devant le notaire pour chaque procuration !
La spoliation foncière origine de cette chasse contre les procurations sous seing privé
L’affaire remonte à 2016, quand le Roi Mohammed VI avait saisi l’ancien ministre de la justice et des libertés, Mustapha Ramid, suite à des plaintes concernant des affaires de spoliation foncière. Le souverain avait dénoncé ce phénomène de spoliation foncière qui ternit l’image du Maroc et porte préjudice au droit de propriété consacré et garanti par la constitution marocaine.
Ramid avait alors saisi les procureurs généraux près les Cours d’Appel du royaume et, par la suite rédigé une note de synthèse qui sera la base du projet de loi, restituant le travail des différents parties prenantes qui s’étaient penchées sur ce problème : la Direction Générale des Impôts, l’Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie, l’Ordre National de Notaires, l’Ordre National des Adouls et l’Association des Barreaux d’avocats du Maroc. La note avait pointé du doigt les fausses procurations établies sous seing privé que ce soit au Maroc ou à l’étranger, objet de toutes les transactions d’escroquerie.
Quand l’excès de précipitation du Conservateur Général déclenche la panique
Le Conservateur général de l'Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie, dans sa dernière Circulaire n°20/17 du 21 septembre 2017, s’est adressé aux différents conservateurs du Royaume, les invitant à n’accepter que les procurations authentiques, établies par un notaire, un adoul ou un avocat, même celles rédigées avant le 14 septembre 2017.
Ce que le conservateur n’a pas vu venir, ce sont toutes ces procurations sous seing privé établies par les Présidents des établissements bancaires à leur directeurs, et celles relevant de l’administration publique dans toute leur densité.
Des réunions marathon mardi et mercredi
Pour trouver une issue à cette situation de crise, une réunion d’urgence a été convoquée mardi avec la participation du GPBM. D’après les sources de Le1.ma, cette réunion houleuse s’est prolongée jusqu’à mercredi et a poussé le Conservateur général à se plier à la pression du GPBM en vue de garder le statu quo, notamment en ce qui concerne les banques et l’administration publique. Autrement dit, continuer à accepter les procurations sous seing privé au niveaux des banques et de l’administration publique, avec une seule une exception, de taille, celle du groupe Al Omran qui doit présenter des actes authentifiés pour toute transaction.
Quid des transactions signées avant le 14 septembre 2017 ?
Autre point de blocage causé par cette nouvelle loi, ce sont les transactions immobilières contractées avant le 14 septembre 2017 que le texte a négligées ou omis de citer. Ce qui laisse présager l’application du principe de la non rétroactivité de la loi et, de ce fait, l’acceptation ipso facto par la conservation foncière des dites procurations sous seing privé.
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