Le propriétaire du célèbre palace casablancais Royal Mansour, la Compagnie des Grands Hôtels d'Afrique, dont l’actionnaire de référence n’est autre que le holding royal Siger, a exhorté un tribunal fédéral de l’Etat du Delaware, sur la côte est des Etats-Unis, à exécuter le jugement rendu en 2015 en sa faveur contre la société d'investissement Starwood Capital Group, de payer une ordonnance arbitrale de près de 60 millions de dollars, confirmant la mauvaise foi du géant américain de l'hôtellerie qui, en plus de ne pas avoir respecté les termes du contrat marocain, a usé de subterfuges juridiques pour se soustraire de ses obligations.
Tout a commencé en 2011 quand la Compagnie des Grands Hôtels d’Afrique (CGHA) a saisi la justice américaine accusant la société gestionnaire du Royal Mansour, Woodman Maroc Sarl, d'avoir manqué à ses obligations en vertu de la convention de gestion. C’est à partir de ce moment là que le directeur général de Woodman Maroc, Thierry Drinka, aurait pris des mesures pour rendre son entreprise facilement cessible, de sorte que la CGHA ne pourrait jamais tenir Woodman responsable. Au début de 2012, il met son plan à exécution et transfère la propriété de Woodman à une entité nouvellement créée.
En août 2013, constatant que Woodman Maroc n'ayant pas exécuté ses engagements de rénovation exigés par le contrat de gestion, la CGHA entamera une procédure d’arbitrage devant la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de Commerce internationale, accusant l'entreprise d'avoir violé leur accord.
Woodman Maroc va participer à la procédure d’arbitrage pendant un an jusqu’à ce que sa société mère de l'époque ne soit (discrètement) vendue pour 100 euros (oui, cent euros) à une entité britannique constituée en deux temps trois mouvements, la Maquay Investments Ltd. Après quoi, les équipes de Woodman Maroc vont cesser de comparaître devant le juge.
Starman, Woodman, Maquay…un montage juridique démoniaque !
Il faut remonter à 2005, l’année de la création de Starman Hotels, joint-venture entre Starwood Capital Group et l'ex-banque Lehman Brothers qui fera faillite 3 ans après, le 15 septembre 2008. Starwood a une longue histoire d'investissement dans les hôtels, détenant des marques telles que Le Meridien et Sheraton.
Au Maroc, Starman Hotels héritera de l’entité qui gérait l'hôtel Royal Mansour et la remplacera par une nouvelle structure qui portera le nom de Woodman Maroc.
En 2008, la faillite de Lehman Brothers qui va ébranler le système financier mondial va obliger Starman Hotels à vendre plusieurs de ses prestigieux actifs notamment “The Monte Carlo”, “Le Meridien in Piccadilly” de Londres et le plus grand hôtel de Paris “Le Méridien Etoile”. Au Maroc, l’impact de la crise qui a frappé de plein fouet Starman Hotels poussera Woodman à conclure une convention d'exploitation avec une autre société sœur, Starwood Hotels & Resorts Worldwide Inc. en vertu de laquelle Woodman va lui déléguer la gestion et l'exploitation du Royal Mansour.
La filiale de Siger, constatant la dégradation progressive de l’hôtel, demandera à maintes reprises à Starman Hotels et à la société gestionnaire Woodman Maroc d’effectuer les travaux de maintenance et de restauration pour garder le Royal Mansour au niveau de son standing et conserver sa catégorie cinq étoiles, comme le stipulait leur contrat. En vain.
Paradise Papers sauveront Siger
Durant les plaidoyers devant la Cour d’arbitrage, la Compagnie des Grands Hôtels d'Afrique, représentée par Paul Brown, Joseph Cicero et Gregory Stuhlman du célèbre cabinet d’avocats Chipman Brown Cicero & Cole LLP, avoue n’avoir appris l'existence du lien entre Starman Hotels et l’entité britannique Maquay que dans les fuites Paradise Papers en novembre 2017. Des leaks qui ont montré l'existence d’un intérêt commercial commun entre Starman Hotels, Maquay Investments Ltd et le directeur général de Woodman Maroc SARL, Thierry Drinka, depuis au moins juillet 2014, date à laquelle la société mère de Woodman a été vendue à Maquay. Une révélation qui va dévoiler au grand jour la mauvaise foi de Starman Hotels, usant de montages juridiques complexes dans le seul but de se soustraire à ses obligations financières envers le propriétaire des murs du Royal Mansour.
La Compagnie des Grands Hôtels d'Afrique a ensuite demandé au tribunal de la Chambre de Commerce Internationale de prendre des mesures d'urgence pour saisir les actifs financiers de Woodman. Le tribunal en question a ordonné à Woodman de céder immédiatement le contrôle et l'exploitation de l'hôtel à la Compagnie des Grands Hôtels d'Afrique. Pour couronner la procédure, le tribunal a rendu une sentence finale en mai 2015, en faveur de la Compagnie des Grands Hôtels d'Afrique en concluant que Woodman n'avait pas entretenu adéquatement l'hôtel, lui intimant d’accorder à la CGHA 57,1 millions de dollars, en plus de 2,3 millions de dollars en guise de frais, coûts et autres intérêts.
Entre-temps, le holding royal Siger reprendra le contrôle de la gestion du Royal Mansour en octobre 2014, à travers la société Vicas gestion ( Telquel Décembre 2014) qui détient également le Royal Mansour de Marrakech.
Les travaux de reconstruction du Royal Mansour sont actuellement à l’arrêt après la fin des travaux de démolition, pas prévus initialement. Il se dit que la Compagnie des Grands Hôtels d'Afrique n’a pas souhaité céder le projet de reconstruction à l’entreprise qui a procédé à la démolition.