Un des scénarios les plus redoutés se profile aux Etats-Unis où Donald Trump a revendiqué dans la nuit de mardi à mercredi la victoire face à Joe Biden alors même que l’issue de l’élection présidentielle reste indécise dans de nombreux Etats clefs du pays.
Le candidat démocrate a pour sa part affiché son optimisme et appelé à la patience, indiquant que l’issue de l’élection pourrait ne pas être connue avant mercredi matin au plus tôt.
Au terme d’une campagne bouleversée par la pandémie de coronavirus, Donald Trump et Joe Biden s’affrontaient dans le contexte d’une polarisation extrêmement forte de la société américaine.
L’ampleur du vote anticipé, par correspondance ou dans des bureaux de vote ouverts à l’avance, a amplifié l’incertitude puisque dans certains Etats, ces votes-là n’ont pas encore été comptabilisés.
S’exprimant face à la presse à la Maison blanche, le président républicain a pourtant revendiqué la victoire.
«Nous nous préparions à remporter cette élection. Franchement, nous avons remporté cette élection», a-t-il affirmé, ajoutant sans preuve qu’un «petit groupe de gens» essayait de lui voler la victoire.
«C’est une fraude majeure contre notre nation. Nous voulons que la loi soit utilisée de manière appropriée. Nous allons donc aller devant la Cour suprême. Nous voulons que tous les votes cessent», a-t-il poursuivi depuis l’estrade installée dans l’aile Est de la Maison blanche, flanqué de Mike Pence, son vice-président.
A cette heure de la nuit américaine, les bureaux de vote ont fermé partout dans le pays, y compris en Alaska, mais les lois électorales en vigueur dans les Etats exigent que tous les bulletins de vote soient comptés, et certains ont l’habitude de prendre plusieurs jours pour achever le dépouillement.
Surtout, au moment de la prise de parole de Trump, aucun résultat ne garantissait l’issue de son duel avec son adversaire démocrate dans plusieurs de ces Etats en balance, y compris la Pennsylvanie (20 grands électeurs), le Michigan (16), le Wisconsin (10) et la Géorgie (16).
D’après les dernières projections publiées par l’institut Edison Research créditent Joe Biden de 220 grands électeurs contre 213 pour Donald Trump. Il faut les voix d’au moins 270 des 538 grands électeurs formant le Collège électoral pour être élu président des Etats-Unis.
Ni à moi ni à Trump de déclarer le vainqueur de cette élection
S’exprimant devant ses partisans dans le Delaware, où il réside, un peu moins de deux heures avant le président sortant, Joe Biden avait fait part quant à lui de son optimisme et appelé à la patience, indiquant que l’issue de l’élection pourrait ne pas être connue avant mercredi matin au plus tôt.
«Nous pensons être sur le chemin de la victoire», a dit l’ancien vice-président de Barack Obama.
Sur son compte Twitter, il a écrit en réponse aux déclarations de Trump : «Ce n’est ni à moi ni à Donald Trump de déclarer qui est le vainqueur de cette élection, c’est aux électeurs de le faire.»
«La déclaration cette nuit du président pour tenter de mettre fin au décompte de bulletins de vote dûment exprimés est scandaleuse, sans précédent et erronée», a déclaré pour sa part son équipe de campagne.
Ce qui est acquis à ce stade, c’est que Donald Trump s’est imposé en Floride (29 grands électeurs), dans l’Ohio (18) et au Texas (38), anéantissant les espoirs d’une “vague bleue” qui aurait scellé rapidement la victoire de Joe Biden.
Pour autant, la situation reste indécise dans la région des Grands lacs (nord-est) où trois Etats - la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin - n’ont pas encore rendu leur verdict.
C’est là que Trump avait construit sa victoire face à Hillary Clinton il y a quatre ans.
C’est là aussi que Joe Biden compte précisément aller chercher les grands électeurs qui lui font encore défaut pour tourner la page du trumpisme et faire de l’ex-magnat de l’immobilier le premier président sortant incapable de remporter un second mandat depuis George H. Bush en 1992.
Remporter le triptyque Wisconsin-Pennsylvanie-Michigan devrait en effet suffire à l’ex-vice-président de Barack Obama pour passer le cap des 270 grands électeurs du Collège électoral.
A cette heure de la nuit, Donald Trump est donné en tête dans ces trois Etats mais une grande partie de cette avance est attribuée au vote massif des républicains dans les bureaux de vote pour «l’Election Day», alors que le dépouillement des bulletins transmis par courrier pourrait prendre jusqu’à plusieurs jours.
En Pennsylvanie et dans le Wisconsin, le décompte des votes par correspondance peut seulement débuter le jour du scrutin.
Réagissant à la proclamation de Trump, le gouverneur démocrate de Pennsylvanie, Tom Wolf, a du reste dénoncé sur Twitter une “attaque partisane” lancée par le président sortant et a ajouté que les services de son Etat travaillaient sans relâche pour comptabiliser plus d’un million de bulletins par correspondance.
«Soyons clairs : c’est une attaque partisane contre les élections en Pennsylvanie, contre nos votes, contre la démocratie. Nos comtés travaillent sans relâche pour recenser les votes aussi vite ET aussi précisément que possible. La Pennsylvanie aura une élection équitable et nous compterons chaque bulletin», a-t-il promis.
L’équipe de campagne de Joe Biden a indiqué de son côté que ses avocats étaient prêts à passer à l’action si le président sortant entend saisir les tribunaux pour s’opposer à une prise en compte adéquate de tous les suffrages, exprimés avant ou pendant le scrutin du 3 novembre.
Des armées d'avocats
D’autres Etats sont encore dans la balance, comme l’Arizona (11 grands électeurs) que Biden pourrait arracher à Trump, selon des projections de la chaîne Fox News et d’Associated Press.
Donald Trump avait déjà multiplié pendant la campagne des accusations sans fondement selon lesquelles le recours accru au vote par courrier allait entraîner une fraude massive. Les experts estiment que la fraude électorale est rare aux Etats-Unis, où le vote par correspondance est une tradition de longue date.
Les deux camps ont levé des armées d’avocats et sont prêts à passer des urnes aux tribunaux pour poursuivre le combat.
Les partisans des deux candidats ont décrit le scrutin comme un référendum sur Donald Trump et son premier mandat tumultueux.
Le vainqueur sera à la tête d’une nation ravagée par l’épidémie de coronavirus - qui a tué plus de 231.000 Américains et mis des millions de personnes au chômage -, les tensions raciales et les divisions politiques, qui se sont amplifiées au cours d’une campagne électorale au vitriol.
Donald Trump a suivi le déroulement de la soirée électorale dans le salon de sa résidence à la Maison blanche en présence de membres de sa famille, avec notamment la Première dame Melania Trump et son gendre et conseiller Jared Kushner. «Il est calme, se détend», déclarait dans la nuit une source au fait de la situation.
Rassemblés dans l’aile est de la Maison blanche, quelque 200 partisans de Donald Trump ont crié leur joie quand Fox News a indiqué que le président sortant allait remporter la Floride.
Les Américains devaient aussi décider du parti qui sera aux commandes du Congrès pendant les deux prochaines années. Il est attendu que les démocrates conservent la majorité à la Chambre des représentants. La bataille fait rage pour le Sénat où les républicains disposent d’une majorité de 53 voix.