Selon des informations exclusives révélées par L’Express, les autorités françaises envisagent sérieusement de geler les avoirs d’une vingtaine de hauts responsables algériens disposant de biens et d’intérêts financiers en France. Une mesure inédite, pensée comme levier de pression dans un contexte de relations diplomatiques extrêmement tendues entre Paris et Alger.
Un outil de dernier recours
Évoquée dès janvier 2025 par le ministre de l’intérieur français Bruno Retailleau, l’idée d’une riposte patrimoniale face à l’immobilisme algérien sur les OQTF (obligations de quitter le territoire français) semble désormais faire son chemin au sein de l’exécutif. À Bercy comme à Beauvau, une liste confidentielle d’une vingtaine de personnalités algériennes occupant des fonctions administratives, sécuritaires ou politiques a été établie. Tous possèdent des biens en France, dans un environnement où “801 membres de la nomenklatura algérienne” seraient concernés par des intérêts directs dans l’Hexagone, selon une source gouvernementale citée par L’Express.
Escalade diplomatique en cours
Cette initiative survient dans un climat de tension croissante. L’interpellation d’un agent consulaire algérien en avril dernier, soupçonné d’implication dans l’enlèvement de l’opposant Amir Boukhors en France, a déclenché une série d’expulsions diplomatiques réciproques. La situation s’est envenimée après la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara en juillet 2024, puis avec l’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal à Alger.
Le 16 mai, Paris a suspendu un accord de 2007 facilitant la circulation sans visa des détenteurs de passeports diplomatiques. Le gel des avoirs de dignitaires est envisagé comme l’étape suivante, «sur le modèle des sanctions contre les oligarques russes», mais dans un cadre juridique bien plus incertain.
Un cadre légal en construction
La France pourrait s’appuyer sur l’article L562-1 du Code monétaire et financier, modifié en juillet 2024 dans le cadre de la loi contre les ingérences étrangères. Ce texte permet de geler les avoirs de personnes soupçonnées d’”actes d’ingérence” au nom d’une puissance étrangère portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. La mesure serait alors valable pour six mois renouvelables, avec effet immédiat sur les biens immobiliers, les comptes bancaires et les déplacements.
Reste à démontrer l’intentionnalité de ces actes de la part des personnalités ciblées — une exigence juridique difficile à satisfaire. Selon les juristes, seules des implications directes dans des affaires sensibles, comme l’affaire Boukhors ou les refus systématiques de laissez-passer consulaires, pourraient constituer une base légale suffisamment solide.
Un signal fort… à ne pas utiliser ?
En l’état, cette “liste noire” semble surtout destinée à rester dans les tiroirs de l’exécutif. Son éventuelle publication serait perçue comme un point de non-retour dans la relation franco-algérienne. Un scénario que Paris semble vouloir éviter, tout en se dotant d’outils de dissuasion à la mesure d’une crise qui n’en finit pas de s’aggraver.
Mais la menace est prête. Selon L’Express, Paris envisage de rendre publique cette liste de vingt dignitaires si Alger adoptait de nouvelles mesures hostiles. « Cela se ferait sur le modèle des oligarques russes », confie une source gouvernementale. À une nuance près : alors que les sanctions contre les ressortissants russes s’appuient sur des règlements européens depuis 2014, aucun cadre communautaire similaire n’existe pour l’Algérie.