Le Département d’État américain a annoncé mardi l’interdiction d’entrée sur le territoire des États-Unis à cinq ressortissants européens, accusés d’avoir mené des actions visant à faire pression sur des entreprises technologiques américaines afin de censurer ou de restreindre des opinions américaines en ligne.
Dans un communiqué, le secrétaire d’État Marco Rubio a qualifié ces personnes d’« activistes radicaux » et d’organisations non gouvernementales « instrumentalisées ». Il a indiqué que ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’une nouvelle politique de visas annoncée en mai, destinée à restreindre l’entrée de ressortissants étrangers considérés comme responsables de la censure de discours protégés aux États-Unis.
« Depuis trop longtemps, des idéologues en Europe ont mené des efforts organisés pour contraindre des plateformes américaines à sanctionner des opinions américaines auxquelles ils s’opposent », a écrit M. Rubio sur le réseau social X. « L’administration Trump ne tolérera plus ces actes flagrants de censure extraterritoriale », a-t-il ajouté.
Les cinq Européens ont été identifiés par la sous-secrétaire d’État à la diplomatie publique, Sarah Rogers, dans une série de publications sur les réseaux sociaux. Il s’agit de:
- Imran Ahmed, directeur général du Centre for Countering Digital Hate
- Josephine Ballon et Anna-Lena von Hodenberg, dirigeantes de l’organisation allemande HateAid
- Clare Melford, responsable du Global Disinformation Index
- Thierry Breton, ancien commissaire européen chargé de la supervision des règles relatives aux réseaux sociaux.
Selon la déclaration de M. Rubio, ces personnes auraient soutenu des campagnes de censure menées par des gouvernements étrangers contre des Américains et des entreprises américaines, créant des « conséquences potentiellement graves pour la politique étrangère » des États-Unis.
Mme Rogers a notamment qualifié M. Breton de « cerveau » du Digital Services Act (DSA) de l’Union européenne, un ensemble de règles imposant aux plateformes en ligne des obligations visant à lutter contre les contenus illégaux ou jugés préjudiciables. Elle a rappelé que M. Breton avait averti l’entrepreneur Elon Musk d’un possible « renforcement de la diffusion de contenus nuisibles » à la suite de la retransmission en direct d’un entretien avec Donald Trump en août 2024.
Thierry Breton dénonce un «vent de maccarthysme»
Première personnalité directement visée, Thierry Breton a riposté en rappelant la légitimité démocratique de la régulation européenne. Dans deux messages publiés en français et en anglais, il s’interroge : « Un vent de maccarthysme souffle-t-il à nouveau ? »
L’ancien commissaire européen rappelle que le Digital Services Act (DSA) a été adopté par 90 % du Parlement européen et approuvé à l’unanimité par les 27 États membres. Et d’ajouter, à l’adresse de Washington : « À nos amis américains : La censure n’est pas là où vous le pensez. »
Paris réagit et réfute toute portée extraterritoriale du DSA
De son côté, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a indiqué que la France condamnait les restrictions de visas visant M. Breton et les quatre autres personnes concernées. Il a précisé que le DSA avait été adopté afin de garantir que « ce qui est illégal hors ligne le soit également en ligne », soulignant qu’il « n’a absolument aucune portée extraterritoriale et ne concerne en aucun cas les États-Unis ».
Dans un communiqué conjoint, Mme Ballon et Mme von Hodenberg, codirectrices générales de HateAid, ont dénoncé « un acte de répression de la part d’un gouvernement qui ignore de plus en plus l’État de droit et cherche à réduire ses critiques au silence par tous les moyens ».
La majorité des ressortissants européens bénéficient du programme d’exemption de visa américain, mais doivent remplir une autorisation électronique avant leur arrivée. Selon un responsable américain s’exprimant sous couvert d’anonymat, il est possible que certaines des personnes visées aient été signalées au Département de la Sécurité intérieure.
Ces mesures s’inscrivent dans une série plus large de restrictions de visas annoncées cette année par l’administration Trump, visant également des ressortissants de certains pays africains et du Moyen-Orient, ainsi que l’Autorité palestinienne.



