Après avoir fiché le 9 avril dernier, les Gardiens de la Révolution iranienne comme organisation terroriste, Donald Trump revient à la charge en décrétant le 22 avril dernier la fin à parti du 1er mai des dérogations accordées à huit pays pour importer le pétrole iranien (Chine, Inde, Turquie, Japon, Corée du Sud, Taïwan, Italie et Grèce). Cet embargo total n’a pas été du goût de plusieurs pays, dont la Chine et la Russie. Trump a d’autres calculs en tête que l’Iran, puisqu’il est encore question de gros sous.
Donald Trump veut rendre la vie difficile aux Mollahs iraniens. Sa décision de ne plus accorder aucune dérogation pour l’importation du pétrole iranien risque de priver l’Iran de ressources dont il a besoin pour relancer son économe en crise. Cette décision intervient après le rétablissement des sanctions sur le secteur de l’énergie en novembre dernier et presque un an après la première série de mesures d’embargo.
Les Gardiens de la révolution menacent de fermer le Détroit d’Ormuz
Cette décision américaine n’a pas été du goût de l’Iran qui a dénoncé des sanctions « illégales » et a affiché sa volonté de continuer de «discuter en permanence» avec ses partenaires, notamment européens. L’Amiral commandant la marine des Gardiens de la Révolution a même menacé de fermer le détroit d’Ormuz si l’Iran ne l’utilisait plus pour exporter son pétrole. La France, par la voix de Agnès Von Der Mühll, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, a affirmé qu’avec « ses partenaires européens, la France entend poursuivre ses efforts pour que l'Iran tire les bénéfices économiques aussi longtemps qu'il respectera l'ensemble de ses obligations nucléaires ».
La Chine menace implicitement les Etats-Unis de représailles
La Russie, alliée de l’Iran, a estime qu’une « telle ligne de conduite n'ajoutera aucun prestige international aux Américains. Le reste du monde comprend parfaitement que la politique de Washington devient de plus en plus agressive et imprudente», a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué, estimant que cela fait « ouvertement résonner le cliquetis des armes ». L’Inde qui sera fortement pénalisée par cette décision a préféré garder un profil bas pour le moment, ce qui n’est pas le cas de la Chine, gros importateur du pétrole iranien. Geng Shuang, porte-parole de la diplomatie chinoise à déclaré à la presse que « la Chine fait part de sa ferme opposition à la mise en œuvre de sanctions unilatérales par les Etats-Unis».
#China consistently opposes unilateral #US sanctions against #Iran.
China's cooperation with Iran is open, transparent, reasonable & legitimate & should be respected:
China's Foreign Ministry spokesman, Geng Shuang. pic.twitter.com/4LrXfpvJKl
— Iran_Newsroom (@Iran_NewsRoom) April 22, 2019
Donald Trump veut faire d’une pierre trois coups
Pour l’Empire du milieu, la décision américaine va «intensifier les troubles au Moyen-Orient ainsi que sur le marché énergétique international». A en croire les chiffres de l'agence spécialisée S&P Global Platts, la Chine a importé en mars 628.000 barils par jour sur des exportations iraniennes totales de 1,7 million de barils par jour en mars dernier. Dans une menace à peine voilée à destination des Américains, Geng Shuang a appelé « les Etats-Unis à respecter ses intérêts et préoccupations», allusion à peine voilée à la suspension des négociations commerciales avec eux. La Turquie et la Corée du Sud, quant à elles, ont déploré la fin des dérogations. Israël, par la voix de Benjamin Netanyahu a estimé que l’accentuation des pressions sur l’Iran est « la façon dont il faut agir pour faire face à l’agression de l’Iran et la bloquer.»
Les Saoudiens et Émiratis pressés de prendre la part de marché en jeu
La même satisfaction a été affichée par l’Arabie Saoudite. Ibrahim Al-Assaf, chef de la diplomatie saoudienne a qualifié la mesure de « nécessaire pour amener le régime iranien à cesser ses politiques de déstabilisation et de soutien au terrorisme à travers le monde». L’Arabie Saoudite et les Emirats arabes se sont empressés d’afficher leur volonté de stabiliser le marché du pétrole si les exportations iraniennes étaient réduites à néant. Cela n’a pas empêché les cours de pétrole d’atteindre 75 dollars le baril, leur plus haut niveau depuis cinq mois. Certains spécialistes estiment que la décision de Trump de durcir les sanctions vise à renchérir le prix du pétrole pour rendre l’or noir américain compétitif et engranger des milliards de dollars.
#إنفوجرافيك_الخارجية | المملكة ترحب بإعلان وزير الخارجية الأمريكي بشأن العقوبات المفروضة على صادرات النفط الإيراني pic.twitter.com/2qMFsf2sYD
— وزارة الخارجية 🇸🇦 (@KSAMOFA) April 23, 2019
Une décision qui aura certainement une portée limitée
Par ailleurs, selon certains analystes, la portée de cette décision sera limitée car Téhéran a développé des réseaux informels d’exportation en utilisant des tankers sans transpondeurs qui livrent le pétrole iranien. Certains pays lésés par la décision américaine pourraient contourner également l’interdiction d’acheter le pétrole iranien contre des dollars, en utilisant une autre monnaie. L’Iran est confronté actuellement à une récession de -3,9 % de sa croissance d’après le FMI. Le plan américain vise à étrangler la population afin de la pousser à se révolter contre ses dirigeants. Or, selon une étude réalisée en 2018 par l’université du Maryland, cela ne faut que renforcer l’impopularité des Etats-Unis en Iran.
Au-delà du factuel, la hâte de l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes unis de prendre la part de marché iranienne montre que le coup a été bien manigancé contre l’Iran. Cependant, les retombées sont incertaines. En faisant plaisir à l’Arabie Saoudite et à Israël, ennemis jurés de l’Iran, les Etats-Unis portent préjudice à la Chine, qui pourrait durcir le ton dans ses négociations commerciales avec eux. En voulant faire d’une pierre trois coups, Donald Trump risque de voir ses électeurs se retourner contre lui si la hausse des prix du pétrole persiste.