Algérie: fin de campagne électorale sur fond de rejet massif

La campagne électorale pour la présidentielle prévue jeudi en Algérie, afin de remplacer l'ex-président déchu Abdelaziz Bouteflika, a pris fin dimanche après trois semaines marquées par un rejet massif du scrutin par la population.

Les cinq prétendants ont eu le plus grand mal à faire passer leur message face au «Hirak», le mouvement de contestation qui ébranle l'Algérie depuis le 22 février, au point qu'il est difficile de désigner un favori.

Vendredi encore, des foules immenses ont défilé à Alger et dans le reste du pays contre le pouvoir et la présidentielle de jeudi.

Après avoir obtenu en avril la démission de Bouteflika, président pendant 20 ans, le «Hirak» réclame désormais le démantèlement du «système», au pouvoir depuis l'indépendance en 1962.

Les contestataires estiment que la présidentielle ne vise qu'à permettre à un pouvoir discrédité de se régénérer.

Dans un ultime discours, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée et l'homme fort du régime depuis le départ de Bouteflika, s'est dit convaincu que «le peuple algérien (...) s'engagera dans cette échéance nationale cruciale à travers une participation massive dans les prochaines présidentielles, en toute liberté et transparence».

A partir de dimanche minuit, la loi impose un silence électoral de trois jours avant le scrutin, durant lesquels toute forme de publicité en faveur d’un candidat est interdite.

Ils sont cinq -- tous des hommes -- en lice: Ali Benflis, Abdelmajid Tebboune, Azzedine Mihoubi, Abdelaziz Belaid et Abdelkader Bengrina.

Tous ont participé ou soutenu, plus ou moins longtemps, la présidence d'Abdelaziz Bouteflika.

Et ils ont dû tenir leurs meetings électoraux sous forte protection policière. La police a fait parfois usage de gaz lacrymogène après des jets de pierres de manifestants anti élections.

Selon les organisations de défense des droits humains Amnesty International et Human Rights Watch (HRW), la répression s'est "intensifiée" à l'approche du scrutin, avec des "arrestations arbitraires" et des incarcérations de manifestants, de militants et de journalistes.

Au dernier jour de la campagne, dimanche, les candidats ont tenu soit des meetings électoraux, à Alger ou en province, soit des conférences de presse.

Hormis quelques endroits où ils avaient apposé leurs affiches, rapidement déchirées, la plupart des panneaux sont restés vierges ou ont été tagués de slogans hostiles.

«VENDUS»

Lors d'un débat présidentiel télévisé inédit vendredi soir, ils s'étaient efforcés de défendre leurs programmes mais en restant sur des généralités et dans un format très contrôlé, sans véritablement convaincre.

Quant au Mouvement de la société pour la paix (MSP), le principal parti islamiste en Algérie qui ne présente pas de candidat à la présidentielle, il a annoncé dimanche qu'il ne soutiendrait aucun des cinq prétendants.

Un appel à la grève générale à partir de dimanche et jusqu'à jeudi avait été lancé sur les réseaux sociaux.

Il était particulièrement bien suivi en Kabylie, selon un journaliste de l'AFP.

A Tizi Ouzou, à 100 km à l'est d'Alger, les rues étaient semi-désertes et les boutiques fermées, à l'exception des pharmacies.

En revanche, la situation était quasi normale dans la capitale.

Le vote de l'importante communauté algérienne à l'étranger a débuté dès samedi.

En France, il s'est ouvert sous tension avec des manifestations devant les consulats de plusieurs villes françaises, notamment à Paris.

Devant le consulat d'Algérie, dimanche dans la capitale, les rares électeurs sont escortés un à un par les policiers. Certains ont la tête dissimulée. Les fourgons sont placés devant l'entrée du bâtiment de sorte que les électeurs ne soient pas vus et photographiés. Des protestataires leur crient "vendus", selon un témoin.

Selon le président de l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), Mohamed Charfi, le fichier électoral compte 24.474.161 électeurs, dont 914.308 inscrits à l'étranger.

Aucun sondage public n'est disponible en Algérie pour évaluer la possible participation au scrutin, mais l'abstention, longtemps vue comme l'unique voie de contestation d'un régime figé, était déjà forte lors des précédentes élections.

AFP

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